9. 3. La dynamique des interventions et figures du « naturel didactique »

C. Carlo constate329 que les interventions de nature didactique (portant sur le code, visant la facilitation de l’intégration en mémoire de données nouvelles ou la consolidation de données déjà en mémoire) sont encadrées, c’est-à-dire, précédées, accompagnées, suivies par des interventions visant à maintenir le lien interactionnel. L’autre élément saillant du corpus analysé par C. Carlo, réside dans l’absence de pause dans le passage d’un type d’intervention à l’autre qui contribue à unifier un discours en réalité hétérogène.

C. Carlo en déduit que le type de discours analyséne relève pas de la conversation ordinaire. L’économie des échanges, qui présente à la fois des traits empruntant à la conversation duelle familière, et des traits appartenant à des interactions plus formelles et asymétriques, articulés de manière spécifique, conduit à l’établissement de liens interactionnels de convention arrangée.

La chercheusepropose d’appeler « naturel didactique » le style caractérisé par une alternance régulière entre deux macro-types d’interventions (interventions didactiques, interventions visant à maintenir le lien interactionnel) dont le discours de l’enseignant est une des figures possibles. Le « naturel didactique » n’élude pas la spécificité de la classe qui est l’observation et la focalisation sur la langue, et en ce sens, des relations naturelles sont des relations qui s’organisent autour de la langue objet. Par ailleurs, C. Carlo précise qu’il ne s’agit pas d’imiter des interactions extérieures à la classe, mais d’avoir des relations adaptées au cadre institutionnel, qui permet de vrais échanges à un niveau de distance régulée, notamment par le biais de la théâtralisation.

La chercheuse constate que l’enseignant met en œuvre des rôles multiples, dans toute leur complexité. Il fournit de l’input et valorise l’input produit par les autres interactants. Il conduit le cours avec souplesse, en mettant en œuvre la planification qu’il s’est donné et en utilisant, pour ce faire, le cas échéant, le matériau langagier fourni par les échanges avec les apprenants. Il assure aussi, par divers moyens, dont la théâtralisation, la gestion des liens interactionnels. Il prend également à sa charge un rôle moins bien étudié par les travaux en didactique: l’aide à la mise en place de mécanismes cognitifs d’appropriation langagière. Enfin et surtout, il intègre ces différents rôles dans la production d’un discours « fluide » qui relève du « naturel didactique ».

C. Carlo estime qu’on ne peut faire que des suppositions sur l’encadrement des énoncés didactiques par des énoncés qui semblent plus axés sur le lien communicatif: volonté d’adoucissement du discours prescriptif ? Stratégie de maintien de l’attention par le passage d’une phase communicative à une phase de travail cognitif supposé plus aigu ? Souci de varier le type de registres auxquels les apprenants sont confrontés, pour augmenter les occasions de saisie ?

En faisant bilan de ses analyses, C. Carlo parle de l’importance de la notion de rythme. A la question de la variété des plans d’intervention et des paramètres pris en compte par l’enseignant analysé, s’ajoute, selon la chercheuse, la considération de leur apparition dans l’économie du discours de l’enseignant et dans l’ensemble des interactions. C. Carlo rajoute que les solutions mises en place diffèrent sans doute d’un enseignant à l’autre, et sont autant de figures qui restent à décrire et à inventorier pour progresser dans la connaissance des répertoires d’enseignant.

Notes
329.

CARLO C., « Le « naturel didactique… », op. cité, p.p.112-113.