9. 6. Vivre la variété des usages et des normes dans l’enseignement du français oral

Lizanne Fontaine, chercheuse à l’Université du Québec à Hull, atteste que l’enseignement de l’oral en classe de français au Québec présente une problématique particulière en ce qui concerne les variétés du langage oral.336 Il nous serait intéressant d’en tenir compte dans nos recherches actuelles.

Le programme d’études du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ, 1995), les manuels scolaires et les examens préparés par les instances pédagogiques québécoises demandent aux enseignants de promouvoir l’utilisation d’un registre de langue et d’un vocabulaire appropriés à la situation de communication. L. Fontaine explique que les enseignants québécois utilisent deux registres de langue avec leurs étudiants et ce, dépendant du type de situation de communication. D’une part, lors des situations de communication menant à des évaluations sommatives, ils préfèrent mettre de l’avant des activités d’oral et des pratiques langagières formelles qui exigent l’utilisation d’un registre de langue standard. D’autre part, en contexte d’activités formatives, lorsque par exemple se présente une situation de communication spontanée, ils favorisent l’utilisation d’un registre de langue plus familier. En même temps, la chercheuse constate que les enseignants sont d’accord pour dire que la langue à exiger en classe de français est un registre de langue standard, celui de l’institution scolaire et de la société . D’après eux, afin d’apprendre aux étudiants à comprendre et à bien utiliser le registre de langue standard nécessaire pour fonctionner de manière adéquate en société, il faut partir de leur langage familier, voire populaire. Au cours des travaux oraux à partir de textes, les échanges deviennent spontanés: à travers des activités, tout en apprenant à écouter, les étudiants sont susceptibles d’apprendre à s’exprimer plus justement, à interpréter le message de l’autre, à avoir des opinions personnelles, à discuter entre eux et ainsi à nuancer leurs opinions. Pour cela, les situations de communication présentées aux apprenants doivent être signifiantes et susciter le goût d’apprendre chez ces derniers. Le perfectionnement de l’oral suit ainsi une démarche réaliste, respectant les besoins de chacun.

L. Fontaine se réfère337 sur Garcia (1985) et Doutreloux (1989) qui disent que la métacommunication permet à l’apprenant de faire des retours sur ce qu’il exprime quand il sent une incompréhension de la part de ses pairs, ce qui favorise les interactions. Les enseignants affirment qu’en effet l’habitude du commentaire métacommunicatif facilite le travail de l’oral en enlevant une partie de la gêne éprouvée lors des exercices. Ils disent que le climat est plus détendu, que la métacommunication favorise les relations et les échanges en classe et à l’extérieur, et que beaucoup d’étudiants sont devenus plus sérieux et plus disciplinés, car ils parlent et sont écoutés, se découvrant en prenant la parole.

Ensuite, la chercheuse apporte les points de vue d’autres spécialistes du domaine.338 Perrenoud (1991) affirme que toute activité d’oral devrait être suivie d’une activité d’analyse du langage, et Milot (1977) suggère que les activités d’analyse du langage devraient consister à étudier le fonctionnement des énoncés produits par les étudiants en termes de pertinence communicative. Ostiguy et Gagné (1992) quant à eux prônent la mise en place d’activités d’analyse du langage en classe de français destinées à sensibiliser les apprenants à l’utilité de registres de langue de plus en plus soutenue. Certains enseignants mettent en pratique cette réflexion langagière à travers la correction d’exercices divers. Par exemple, dans la correction d’une compréhension du texte les enseignants peuvent guider leurs étudiants, les faire réfléchir sur leurs réponses en leur apprenant à nuancer leurs dires, à trouver des synonymes. L. Fontaine remarque que puisque la métacommunication et la réflexion sur le langage sont liées, certains enseignants abordent cet aspect par des activités de réflexion sur des problèmes de communication et de langage. D’autres, selon L. Fontaine, font plutôt réfléchir leurs apprenants sur les différences entre les registres de langue et les différences existant entre l’oral et l’écrit (phrases courtes à l’oral en opposition à des phrases complexes à l’écrit, omission de « ne » de négation à l’oral, etc.). Par des remarques spontanées sur l’emploi du conditionnel présent après « si », par exemple, ou par des corrections d’erreurs, ils visent à sensibiliser les étudiants à l’utilisation d’un français plus soutenu en situation formelle de communication.

L. Fontaine résume que les enseignants amènent leurs apprenants à autoévaluer leur langage , ceux-ci s’initiant à l’analyse de leurs énoncés et des effets de leurs prises de parole. Des connaissances métalinguistiques se greffent ainsi naturellement à la pratique des savoir-faire.

Notes
336.

LAFONTAINE L., « Enseigner le français oral au Québec: vivre la variété des usages et des normes », dans: Ploquin F. (réd. en chef), Le Français dans le monde, janvier 2001, p.p.175-182.

337.

Idem, p.p.179-180.

338.

LAFONTAINE L., « Enseigner le français oral… », op. cité, p.180.