1. 2. Méthodologie d’interprétation des données

Ayant fait la synthèse de différentes grilles d’analyse, nous avons établi notre façon personnelle d’étudier nos corpus, en essayant d’y refléter le mieux possible la spécificité de s’exprimer propre aux interactants russes.

Nous avons étudié le système SGML (Standard Generalised Markup Language),353 les conventions de transcriptions du Corpus LANCOM 354 et celles de l’équipe du GARS, de l’Université de Provence,355 en adoptant parallèlement certaines idéesd’autres sources appropriées.356 Nous avons ajusté toutes ces données en fonction des particularités de l’oral en français et en russe et de nos besoins de recherche, en créant ainsi nos conventions de transcriptions. Pour leurs particularités, il est à voir le début de l’Annexe 5.

Les mots ou les phrases prononcées en russe ont été transcrites phonétiquement « à la française », avec la mise en gras des syllabes toniques à l’intérieur de chaque mot – afin d’indiquer la prononciation.

Un numéro a été attribué à chaque apprenant/interactant, dans chaque type d’activité d’une façon indépendante, afin de les distinguer dans la transcription. Les lettres majuscules suivant les numéros désignent: E = enseignant; A1, A2, A3, etc. = apprenants intervenant à tour de rôle; A, Ax, Ay, etc. = apprenants non-identifiés; G = groupe; ou les premières lettres des prénoms.

Il est à clarifier qu’en fait, lors des analyses des polylogues pédagogiques, nous avons eu affaire non pas à un moment d’enseignement à proprement parler mais à un compte rendu collectif d’un travail fait à la maison.

Le texte de P. Guth peut être considéré lui-même comme la narration (littéraire) d’un cours d’action didactique: un certain préambule de la leçon.

La plupart des échanges se font selon les schémas de base « question-réponse-évaluation-réponse définitive » ou « intervention-réaction ». Il s’agit généralement des échanges préparées en gros, avec support (notes ou texte du manuel), sauf ceux des corpus 5 et 6 qui ont été cent pour cent spontanés. Souvent, afin d’obtenir une réponse correcte, plusieurs interventions de la part du professeur et/ou des étudiants sont nécessaires. Ainsi, un énoncé peut être construit par plusieurs apprenants (et souvent avec une participation active de l’enseignant). Chacun y apporte sa contribution. Il ne s’agit donc pas de la structure simple « question – réponse ».

Nous nous sommes appuyés sur la théorie des unités proposée par R. Bouchard pour l’analyse des activités pédagogiques.357 Chaque notre polylogue pédagogique enregistré contient ainsi 4 phases: organisation du préambule, travail sur le questionnaire du manuel, discussion sur le vécu des apprenants, organisation de la clôture. Chaque question ou sujet discuté présente un épisode; tout épisode débute au moment où la nouvelle question est annoncée. Avant d’aboutir à une réponse correcte et exhaustive, il fallait passer, d’un épisode à l’autre, par un nombre et des types d’interventions variables. La fin d’un épisode consiste, le plus souvent, en un acquiescement, explicité par l’enseignant. Le processus du travail sur n’importe quelle question comprend donc plusieurs étapes; cette décomposition nous a permis de déceler les fonctions langagières mises en œuvre lors des échanges, ainsi que leurs enchaînements. Il s’est avéré parfois très difficile d’attribuer aux actes langagiers une fonction précise. On peut ainsi parler plutôt des unités fonctionnelles de portée différente que les tours véhiculent.

La notion de tours de parole dans notre travail d’analyses:

Tout au long de notre analyse, nous nous sommes basés sur la notion de tour de parole comme unité « pratique» 358 qui nous a permis, à un premier niveau, de transcrire nos enregistrements de dialogues et surtout des polylogues pédagogiques étant à leur base des organisations très complexes. Il s’agit en fait de « visualiser » l’alternance des tours, en prenant en considération que cette notion est conventionnelle, puisque bien souvent un même tour est fractionné en plusieurs morceaux par des interventions correctives, par des phatiques encourageants, etc. de l’enseignant (ou un autre locuteur) ou parfois interrompu volontairement par l’apprenant/interactant lui-même demandant de l’aide (par exemple, de nature linguistique) de la part du professeur. Par ailleurs, nous avons voulu compter parmi ces unités fonctionnelles indépendantes des réactions non verbales des participants (individuels ou collectifs, c’est-à-dire du groupe): rires, silences. Ceci nous a permis, entre autre, d’évaluer chaque fois leur niveau d’implication, de même que l’efficacité de l’agir de l’enseignant, puisque c’est le but de nos recherches actuelles. Pour ces mêmes raisons, chaque intervention – même la moindre – de l’enseignant ou d’un autre communicant venant interrompre une intervention précédente est présentée dans nos transcriptions comme un tour de parole indépendant.

Nous avons donc essayé de déceler les différentes fonctions langagières qui sous-tendent les échanges verbaux (fonction communicative, fonction métacommunicative) et qui sont décrites par L. Dabène dans son article « Communication et métacommunication dans la classe de langue étrangère ».359 Parallèlement, nous nous sommes appuyés sur un article plus récent – celui de C. Carlo « Le « naturel didactique »: analyse du répertoire d’un enseignant chevronné » (2005).360

Nous nous sommes systématiquement basés sur d’actuels travaux de R. Bouchard et sur l’ouvrage de V. De Nuchèze « Sémiologie des dialogues didactiques » (2001).

A partir des corpus recueillis,361 nous avons étudié le fonctionnement de la prise de parole en situation de groupe d’apprentissage – dans les deux groupes parallèles, l’interaction entre différents individus, les types de discours qui s’instaurent entre enseignant (E) et ses étudiants (A), l’organisation des échanges verbaux, la répartition des fonctions entre récepteur et locuteur, enfin le rôle primordial du professeur dans un groupe de langue, ayant différentes fonctions à y remplir.362

Nous avons pu observer comment l’augmentation du degré de difficulté de la tâche influençait la qualité des réponses et le nombre de personnes prêtes à répondre. Et ceci – appliqué aux polylogues pédagogiques - en comparaison entre les deux groupes. Par ailleurs, il était intéressant d’examiner l’agir de l’enseignant à travers toutes ces activités, le caractère et le but de toute son intervention. Obtenait-il toujours un résultat espéré ?

Ayant commencé par une approche comparative des deux polylogues pédagogiques, nous avons continué avec une étude détaillée des phases et des caractéristiques cruciales de chaque activité séparément, afin de terminer par une conclusion commune. Lors de nos analyses, nous nous sommes, entre autres, basés sur des grilles contenant des données statistiques que nous avions pu obtenir, dans le but d’affiner nos recherches.

Pour que les conclusions de notre étude soient plus objectives, nous avons analysé en décalage les transcriptions des enregistrements des jeux professionnels « Communications téléphoniques », où ont figurés les apprenants de la fin de deuxième et de troisième années, différents de ceux ayant participé dans les polylogues pédagogiques. L’approche comparative des simulations et des polylogue s’est logiquement imposée des points de vue langagier et comportemental. Nous avons examiné les savoir-faire des apprenants russes se trouvant dans une situation didactique exolingue de co-gérer des événements communicatifs plus ou moins liés aux réalités de la vie même. Nous y avons pris pour le point de référence les simulations correspondantes du Corpus LANCOM effectuées par des francophones.363 Notre méthode d’interprétation des données était cette fois-ci la même que pour les polylogues précédemment étudiés.

Ensuite, voulant comparer des simulations dialogiques dans un milieu d’apprentissage organisé et dans un milieu d’acquisition naturelle, nous avons transcrit les jeux de rôle « La Communication téléphonique 2 » (Annexe 8) et « La Communication téléphonique 3 » (août 2005, Marseille; Annexe 9), qui suivaient le canevas des jeux similaires du corpus LANCOM.

Nous avons trouvé intéressant de comparer les trois sources d’une part similaires (le même scénario) et d’autre part diverses (différentes conditions d’enregistrement et différentes catégories d’interactants), afin de déceler des points forts et faibles de chacune. L’étude comparative a été effectuée selon les mêmes principes que celle des transcriptions et des enregistrements audio des polylogues pédagogiques et des jeux professionnels. Nous y avons traditionnellement apporté des éléments de statistiques, avons construit des grilles contenant des données à comparer.

Le corpus 5 « La Discussion 2 à partir d’un extrait du roman de P. Guth « Le Naïf aux quarante enfants » (Annexe 6; février 2006)nous a servi à répondre à la question en quoi un oral dialogique en FLE conçu en milieu d’apprentissage organiséen situation exolingue est différent de celui qui traite le même sujet mais dans une ambiance décontractée de la situation bilingue endolingue (FLS). Après avoir réalisé la transcription du corpus 5, nous avons effectué son étude statistique globale et ensuite, nous avons passé à la confrontation de différentes parties des corpus de nos polylogues pédagogiques avec celles du corpus fait à base de l’enregistrement en dehors de la situation didactique. Nous avons décidé de subdiviser ce dialogue en mêmes phases et étapes que les activités pédagogiques, compte tenu d’un nombre important de leurs points communs.

Commençons par faire une brève confrontation didactique de nos corpus 1 et 2 se trouvant au cœur de nos recherches.

Notes
353.

Voir: GOLDFARB C. F., The SGML Handbook, Oxford, Clarendon Press, 1990; VAN HERREWIJNEN E., Practical SGML, Dordrecht, Kluwer, 1994.

354.

DEBROCK M. et FLAMENT-BOISTRANCOURT M., « Le Corpus LANCOM: Bilan et …», op. cité, p.p.1-36.

355.

BLANCHE-BENVENISTE C., Approches de la langue parlée …, op. cité, p.p.28- 34.

356.

MONDADA L. et PEKAREK DOELER S., « Interactions acquisitionnelles en contexte. Perspectives théoriques et enjeux didactiques », dans: Le Français dans le monde, juillet 2001, p.p. 107-142.

VASSEUR M.-T., « Gestion de l’interaction, activités métalangagières et apprentissage en langue étrangère», dans: Dausendshön-Gay U. et Krafft U. (coord.), Interaction et acquisition d’une langue étrangère, AILE, Paris, 1993, n°2, p.p.25-59.

JEANNERET T. et PY B., « Traitement interactif de structures syntaxiques dans une perspective acquisitionnelle », dans: Cicurel F. et Véronique D., Discours, action et appropriation des langues, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2002, p. 52.

GAJO L. et MONDADA L., « Pratiques et appropriation de l’entretien dans une pluralité de contextes », dans: Cicurel F. et Véronique D., Discours, action et appropriation des langues, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2002, p.p. 131-146.

CICUREL F., « Conditions contractuelles de l’appropriation en classes de L1 et L2 », dans: Cicurel F. et Véronique D., Discours, action et appropriation des langues, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2002, p.p. 163-194.

357.

Voir pour plus de détails la deuxième partie du présent travail.

358.

KERBRAT-ORECCHIONI C., Le Discours en interaction, op. cité, p.58.

359.

Voir la Deuxième partie.

360.

Idem.

361.

Voir Annexes.

362.

KOHLMAYER C., « Comparaison du discours de l’apprenant et de l’enseignant en milieu scolaire », dans : INTERACTIONS: les échanges langagiers en classe de langue , ouv. coll. De l’Université des Langues et Lettres de Grenoble, Grenoble, 1984, p.112.

363.

Annexe 10.