2. 0. Une analyse globale du corpus 1

Analysons maintenant en détail le polylogue pédagogique qui a eu lieu dans le premier groupe dont les étudiants avaient appris les bases du FLE à l’école secondaire.

Ce corpus est le plus long des deux similaires et de tous nos autres enregistrements. Il contient 529 tours de parole en tout, équivalents à 41 minutes 26 secondes, y compris des silences, des rires, etc. Les moments de chevauchements n’y sont pas pris en compte séparément, mais un temps de parole réel est calculé pour chacun des participants individuellement ci-dessous. Voyons le tableau général du point de vue de chaque locuteur:


Participants
Quantité de tours de parole Durée totale des tours de parole
Remarques
E 259 (49%) 25’40’’ (63%) Le tour de parole le plus long est égal à 1’01’’.
A1 3(0,6%) 55’’ (2,3%) Le 1-er tour de parole = un toussotement, non calculé en secondes)

A2

61 (11,5%)

3’23’’ (8,3%)
1’27’’ sont consacrées uniquement à la lecture des questions du manuel, 17’’ = des tours-« silences ». Sa participation s’arrête au tour 293A2.
A3 10 (1,9%) 47’’ (1,9%) Un tour de 4’’ = silence.
A4 89 (16,8%) 3’47’’ (9,3%) 14’’ de tours de parole complets = silences et hésitations.
A5 4 (0,8%) 52’’ (2,1%) Un tour de parole de 2’’ = silence.
A6 1(0,2%) 20’’ (0,8%) C’est un seul tour.
A7 15 (3%) 1’11’’ (2,9%) Un tour de 1’’ = silence. Les tours 79A7 et 81A7 = 12’’; les tours 83A7, 85A7 et 87A7 = 10’’.
A8 6 (1%) 46’’ (1,9%) Cette apprenante se porte volontaire pour répondre à deux questions presque consécutives.
A9 7 (1,3%) 22’’ (0,9%) 4’’ = des tours de paroles silencieux.
A10 26 (4,9%) 1’06’’ (2,7%) 8’’ = des tours de parole-« silences » et 1’’ = un tour de parole- hésitation.

A non-identifiés

21 (4%)

33’’ (1,4%)
Ce sont, le plus fréquemment, des interventions elliptiques se composant de 2 ou 3 mots et ayant chacune la durée de 1’’ ou 2’’. Elles sont plus nombreuses à la fin du polylogue, lors de la discussion avec l’enseignant au sujet du contenu de l’extrait analysé.
G 27 (5,1%) 1’02’’ (2,5%) Pour la plupart, ce sont des silences, des rires, quelques brèves réactions à des questions de l’enseignant.
Total 529 (100%) 40’44’’  

Nous en déduisons que tous les participants du polylogue y ont investi 40’44’’ en somme, tandis que la durée effective de l’enregistrement est 41 minutes 26 secondes, c’est-à-dire des espaces entre les prises de parole non calculés comprennent 0’42’’.

Nous voyons, d’après les données du tableau, que c’est l’enseignant qui s’est manifesté le plus fréquemment (259 tours de parole, ou 49% sur un nombre total des tours de parole enregistrés) et qui a parlé plus longtemps que n’importe quel autre locuteur (25’40’). Ce fait prouve son rôle directeur dans le déroulement du polylogue pédagogique, vu le niveau d’apprentissage et la particularité de la situation (situation exolingue).

Il a essayé de léguer une partie de son pouvoir à une apprenante de groupe, lui ayant proposé de lire les questions après le texte et de choisir les personnes à y répondre. Ce procédé sert à faciliter l’établissement et la gestion du lien communicatif, selon C. Carlo. Mais en se sentant en permanence responsable de la situation dans le cadre du contrat didactique, l’enseignant ne peut pas rester inactif et intervient systématiquement au fil des dialogues dans le but de débloquer un échange local, de corriger la parole, etc. L’étudiante protagoniste demande toujours son avis lorsqu’elle a la moindre décision à prendre:

95A2: qu'a-t-il fait↑ pour ret[e]nir le plus vite possible les noms des ^élèves ?
*to gé samoïé chto vot v poslédniï ras↓ da ?*
96E: mhm
97A2: = *a moget bit' srasou vniz péréïti ?*
98E: eh bien↑
99A2 : *viatiï*367
il demande à Monsieur Feillard d'inscrire les noms de ses camarades
100E   : mhm <…>.’

En conclusion, il y a un très important décalage entre les investissements de l’enseignant et de l’apprenante-protagoniste: respectivement 259 tours de parole (49% sur le total) durant 25’40’’ et 61 tour de parole (11,5%) d’une durée générale de 3’23’’, y compris 1’27’’ d’une lecture mécanique des questions et 17’’ des tours-« silences ». Pour une expression réelle, il ne reste à cette dernière que 59’’ – environ une minute parmi 39’50’’ des interventions sommaires. Contre 25’40’’ de la parole de l’enseignant ! Le polylogue contient 529 tours de parole, mais la participation de l’apprenante-protagoniste s’arrête net au tour 293 – lorsque la liste des questions sur le texte est épuisée. Ensuite, c’est l’enseignant qui s’empare d’un pouvoir impartial.

Bref, dans ce polylogue, le degré d’asymétrie des relations enseignant/apprenant(s) est très haut.

Notes
367.

La transcription des manifestations en russe dont la traduction est la suivante: « La même chose que la dernière fois, c'est ça ? » et « Peut-être passe-t-on tout de suite en bas /du questionnaire/ ? /D'accord, / la neuvième /question/. »