L’enseignant veille à ce que ses apprenants suivent parfaitement le fil du dialogue (gestion d’un lien communicatif), surtout au moment de la clôture, pour que ceux qui n’ont pas encore participé puissent se réhabiliter. Entre temps, l’enseignant fait des généralisations et tire des conclusions ayant trait à l’activité pédagogique. Il faut dire que cet enseignant se spécialise en même temps en didactique de langues. Le discours méthodologique lui est donc familier.
Au moment, lorsqu’on ne s’attendait plus à aucune manifestation d’opinions personnelles, nous avons pu observer – durant 21 tours de parole - un petit débat entre l’enseignant et ses apprenants sur les difficultés du texte analysé. Nous sommes en présence du phénomène d’implication des étudiants au dialogue: ils ont souhaité exposer leur point de vue différent de celui de leur professeur. Un peu dommage que ce ne se soit produit qu’à la fin de l’activité. Au départ, l’enseignant a accepté leurs arguments, en les reprenant en écho. Puisqu’il s’agissait des choses évidentes pouvant concerner l’étude de n’importe quel texte nouveau:
‘ 509E: <…> s'il vous plaît encore voulez-vous ajouter↑ = quelque chose↑ ?Ensuite, le professeur commence à sentir un léger danger pour sa face positive et souhaite atténuer l’affirmation. Sa modification est acceptée sur-le-champ par l’intervenante. L’enseignant reprend, en échange, le mot clé de l’affirmation de l’étudiante (le dictionnaire), en estimant qu’une entente mutuelle est retrouvée: le fait de consulter le dictionnaire de temps en temps ne nuit pas à la face de l’enseignant:
‘ 516A: et: pour comprendre ce texteL’apprenante sent soudain un malentendu et recourt au russe pour réaffirmer sa thèse (la preuve d’un caractère informel de cette partie du polylogue, de l’implication de la locutrice). L’enseignant la contredit délicatement aussi en russe. Le ton du professeur endort sa vigilance, et l’apprenante commence à reprendre la phrase de l’enseignant par habitude de participer à une interaction dissymétrique (524A). Mais une autre étudiante du groupe la fait « revenir sur terre », en lui rappelant le mot clé russe qui détermine le point de vue du groupe. Encore une autre apprenante le retraduit immédiatement en français. Nous sommes en présence d’une implication collective des apprenants au moment lorsque le sujet touche leurs Moi intérieurs). L’enseignant est obligé d’entendre leur position unanime, ce qu’il témoigne par une reprise en écho de l’affirmation de la dernière étudiante sous forme d’une question; comme s’il leur laisse du temps de se rétracter. Mais le groupe tient ferme:
‘ 522A: *pastaïanna*374L’enseignant entreprend la dernière tentative de défendre son opinion et sa face. Son intervention finale est assez vaste, toujours basée sur les feed-back (ah ? n’est-ce pas ?), comme s’il tient absolument à trouver un point d’entente avec ses étudiants. Ceux-ci semblent être désarmés par son flux de paroles et ne le contredisent plus. Son passage serait-il trop long pour être bien suivi ? Ou, très probablement, les apprenants se sont soudainement ressaisis: ils se sont vus à nouveau dans une situation dissymétrique, qu’ils avaient oubliée pour un moment. Du coup, les apprenants ne se sont plus ressentis impliqués et ont considéré cette intervention finale pour un pur rituel de clôture du polylogue:
‘ 529E: <INT> mai:s alors mais je crois que ça dépend ah ? ça dépend↓ puisque quand même je crois i[l] y a celles ou bien ceux qui: qui lisent de façon: plus rapide peut-être plus rapide et qui comprennent quand même la euh: enfin la plupart du lexique làL’auto-reprise par l’enseignant à la fin de ce professeur professeur de français sur un ton assuré marque sa détermination: c’est lui qui a raison et c’est à lui qu’appartient la fonction de clore l’activité d’une manière appropriée. Tout de suite après, il stoppe le polylogue.
Nous avons observé dans le passage ci-dessus que les fonctions d’informateurs ont été accordées tour à tour à l’enseignant et aux étudiants. Ils s’en servaient dans le but de soutenir leurs points de vue respectifs. La langue maternelle y a joué un rôle de médiateur irremplaçable.
Le dernier extrait analysé témoigne d’un potentiel caché de ces étudiants en FLE et de la capacité de l’enseignant de stimuler (sa fonction d’organisateur ) - quoique non sans peine – ces derniers.
C’est dommage que le polylogue se soit arrêté là. Il serait intéressant d’examiner la suite de ces débats.
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Maintenant, voyons comment « notre » enseignant remplit sa fonction d’organisateur à travers le corpus 1.
« Constamment ».
« Plutôt de temps en temps. »