La dernière question du questionnaire du manuel395 est remplacée par l’enseignant par sa propre question formulée spontanément et visant le vécu des apprenants . L’enseignant espère ainsi motiver davantage son assistance , en établissant un lien communicatif. Il s’agit de leur premier instituteur/professeur. L’enseignant fait comprendre que sa prochaine question ne fait pas partie de l’activité; il officialise une déviation de la thématique planifiée en proposant de discuter un peu (294E). Il crée une ambiance informelle et s’adresse au vécu de chacun.396 Il s’agit d’un transfert des informations du texte dans la vie courante des étudiants, d’un entrecroisement des réalités françaises et russes, ce qui permet de réviser des savoirs et des savoir-faire assimilés par l’intermédiaire de l’analyse de l’extrait. L’enseignant soutient énergiquement une intervention hésitante de l’apprenante (297E-304E).397 Confronté à une erreur de grammaire évidente, il fait lui-même la rectification, mais de sorte que la jeune fille ait l’impression d’y participer. Tout se passe dans un climat positif.
La manière dont l’enseignant s’est focalisé explicitement sur le code nous semble bénéfique pour éveiller l’initiative des étudiants de se prononcer dans une situation d’apprentissage exolingue. On dirait une vigilance bienveillante .
Parfois, pour se faire impliquer ses apprenants dans « le jeu », il est nécessaire d’en donner un exemple. C’est ce que notre enseignant a fait ci-dessous. N’ayant en notre disposition qu’un enregistrement audio de l’interaction analysée, nous pouvons seulement supposer des moyens non-verbaux y étant apportés. Mais il est facile de deviner qu’il y a eu - au moins - quelques échanges oculaires entre l’enseignant et l’apprenante, qui a fait naître entre eux une certaine complicité bénéfique activant la parole et engageant toute l’assistance au sujet discuté. Nous sommes néanmoins en mesure d’entendre un ton plaisantant de l’enseignant qui a réussi à dédramatiser le fait communiqué par son étudiante en y ayant apporté une légère ironie:
‘ 311A4: XXXL’enseignant se transforme en acteur afin de diminuer la dissymétrie de ses relations avec les apprenants, d’atténuer la frontière entre la vie et le cours . C’est son intonation – un élément prosodique - qui est en jeu en premier lieu, notamment un ton légèrement moqueur, de même que sans doute sa mimique, une expression maligne et compréhensive de son regard, ses hochements de tête traduisant une surprise et une stupéfaction, des exclamations, des bribes (ce qui rend tout dialogue plus naturel), la position de tout son corps que nous ne pouvons malheureusement que deviner – tout cet arsenal de moyens sert à mettre ses apprenants en confiance. L’enseignant se montre personnellement intéressé par ce que la jeune fille dit. Il se présente non pas seulement comme professeur mais plutôt comme un interlocuteur complice. Un élément de théâtralisation dont parleC. Carlo. Et cette astuce marche – tous s’impliquent plus ou moins:
‘ 316E: elle était jeune↑? ou bien elle était à: l’â- déjà: à l'âge: avancé↑?Le degré d’implication peut être prouvé par un recours de l’apprenante à un moment à sa langue maternelle (323A4) – comme si elle se précipitait de rassurer son interlocuteur que l’histoire s’est bien et vite terminée – suivi des rires complices de toute l’assemblée.
Mais l’enseignant n’oublie pas une seconde son principal rôle. En plaisantant, il s’occupe de fournir du lexique manquant et de poser des questions sérieuses stimulant la parole (330E, 332E):
‘ 326E: bon et enfin elle était lic-On a l’impression qu’il « creuse » le sujet. En réalité, il s’occupe de structurer le polylogue, en remplissant habilement sa fonction d’organisateur. Entre temps, il corrige une erreur grammaticale tout en approuvant la réponse (une intonation d’approbation lors de sa reprise en écho du mot nerveuse):
‘ 333A4: elle était très: nerveuxIl est intéressant de voir ci-dessous le moment d’un petit malentendu lexical, lorsque l’enseignant exige des explications métadiscursives de la part de l’apprenante. On dirait qu’ils se sont échangés de places: c’est elle qui « mène » le dialogue et lui ne fait que la suivre. L’enseignant-acteur a l’air de totalement s’impliquer dans l’échange; le style de sa parole acquérant soudain une nuance un peu familière en est la preuve (338E):
‘ 337A4: tous les ^élèves↑L’entente mutuelle étant vite rétablie, l’enseignant redevient pour un instant un « interlocuteur complice » (un gestionnaire du lien communicatif), dans le but de sauvegarder l’ambiance créée:
‘ 347A4: tous les ^élèves↑Tout de suite après, il reprend un ton plus sérieux, en surveillant au passage des erreurs de grammaire, en proposant en russe des idées d’une réponse éventuelle:
‘ 350E: <…> = euh bon d'accord euh: et peut-être pourquoi votre prof vous était furieuse↓ selon vous↓? quand même↓Une observation importante : l’apprenante ne répète plus bêtement les paroles de l’enseignant, elle peut les contester, en essayant d’ exprimer ses propres idées , même s’il est plus difficile de les formuler soi-même dans une langue non-maternelle. Elle préfère employer des périphrases, si celles-ci lui sont plus familières. De cette façon, elle est sûre de rendre parfaitement le sens de ses idées.
Nous constatons une évolution de l’oral de l’apprenante analysée et une augmentation de l’intérêt du groupe pour l’activité, grâce aux méthodes appliquées par l’enseignant.
Revoir la page 272.
Revoir la page 296.
Revoir l’exemple à la page 296.
« On l'a bientôt renvoyée. »
« Parce que vous ne lui obéissiez pas peut-être ? »