L’enseignant est fréquemment censé remplir plusieurs fonctions à la fois , selon la situation qui se crée.
Dans l’exemple ci-dessous (38E), l’enseignant a réuni au sein du même tour de parole toutes les trois fonctions:437
‘ 36E : <INT> ah c[e n]’est pas tout à fait penser mais peut-être comment ?*razmichlial neskal’ka mi nout *</INT>Son phatique mhm sert d’évaluateur. Il donne une forme correcte du verbe réfléchir en remplissant ainsi sa fonction d’informateur. Enfin, il commande bon plus loin ! en tant qu’organisateur d’échanges.
Il se peut que les fonctions s’entrecroisent mutuellement au sein d’un même tour de parole: 125E.438
Le phatique mhm remplit dans le polylogue en question tantôt la fonction évaluative, tantôt celle organisatrice (stimulante). Sa fonction évaluative apparaît, par exemple, dans le tour 125E cité ci-dessus. Voyons un autre petit exemple où le même phatique réalise la fonction organisatrice (stimulante):
‘ 241E: <…> s'il vous plaît mesd[e]moiselles = j'attends↑ = Svetlane↑On constate dès le début un accord implicite entre les apprenants et leur professeur, sur tous les points de la direction du polylogue. Confronté au silence, comme d’habitude, le professeur peut recourir à un commentaire métadiscoursif résumant la question du manuel d’une manière simplifiée et brève, en reprenant ensuite une expression cruciale; par exemple, le portrait moral:
‘ 265A2: = euh: brossez le portrait moral du jeune professeur en partant des phrases suivantes↓ je n'avais jamais osé regarder personne en face↑ j'étais à l'âge où on sait le moins parler à des ^enfants↓Du point de vue des embrayeurs (ou indices personnels), il est intéressant d’examiner le passage métadiscoursif ci-dessus (268E). Le on souligne que c’est une consigne à suivre pour tout le monde. Et le vous de la phrase suivante réunit des fonctions de l’enseignant comme informateur (il éclaircit la tâche) et comme organisateur (il incite à se prononcer). Il est logique qu’ici sa fonction organisatrice soit dominante, puisqu’elle fait avancer le polylogue.
Dans l’exemple suivant, nous voyons le même astuce: par l’intermédiaire de l’embrayeur on (on dit), l’enseignant donne un statut de généralisation à l’énoncé de l’étudiante protagoniste et propose de le soutenir ou de le contester. La façon dont la question est posée prévoit plutôt la réponse négative (vous êtes d’accord ?): l’enseignant met ainsi en opposition l’apprenante et le groupe (on et vous). Il expose explicitement (y compris par son intonation) son désaccord avec le point de vue d’Anne, tout en s’adressant au groupe dans l’espoir qu’il le soutienne. Il obtient la réaction voulue avant même d’avoir fini sa question:
‘ 269A2: il était faibleEnsuite, nous retrouvons une fois de plus l’enseignant cumulant les deux fonctions à la fois – celle d’informateur (il reformule sa question en russe afin de la faire accessible à tous) et d’organisateur (tous ses moyens servent à faire progresser le polylogue) – la seconde y étant directrice. Il propose à l’apprenante protagoniste de lire à haute voix un passage concret du texte, en mettant ainsi les étudiants sur la « piste » de la réponse (« c’est impoli ») et en espérant que quelqu’un dise que le professeur débutant était poli. Finalement, c’est lui-même qui énonce ce mot clé et donne son synonyme russe, en facilitant à ses étudiants le traitement de l’input:
‘ 274E: *kakié vi mogété nazvat' zdés' padobnié = storani ? zdés' adna* 439Confronté aux difficultés de ses apprenants face à la question, l’enseignant prend entièrement l’initiative entre ses mains et continue à caractériser le jeune professeur, en donnant des explications en russe. On est en présence d’un métadiscours explicatif de l’enseignant-informateur. En même temps, il stimule toujours la participation de ses étudiants (avec le mot-incitation encore ?, par la reprise d’une partie de la question – 282E), en agissant comme organisateur local des échanges:
‘ 282E: euh: et il a peur *on baïtsa chto évo vasprimout euh: kak névé- kak névéjou euh névéjlivava tchélavéka ïésli on boudet smatrét' pristal'na v glasa vs- znatchit svaïm pervim outchachtchimsïa i stroga s nikh sprachivat'*442 / alors ce ne: ce n'est pas la politesse hum ? de regarder de: ou encore de fixer ses ^eux n'est-ce pas↑? de fixer ses ^eux sur enfin les ^eux les ^yeux ses ^yeux sur les ^yeux des: de ses ^élèves par exemple et cétéra enfin ce sera tout ^à fait impoli ah↑? voilà peut-être alors euh: il est poli =D’une part, nous pouvons observer ici l’explicitation du processus de réflexion de l’enseignant - une suite d’idées en russe et en français – servant à trouver ensemble le terme convenable. D’autre part, nous voyons que l’apprenante a choisi de lire l’alinéa commencé par l’enseignant jusqu’à la fin. Cela n’apporte rien à la réponse, mais l’enseignant la pousse à en tirer ses propres conclusions. D’ailleurs, la question est posée en même temps à tous, ce qu’on déduit de sa forme non-adressée:
‘ 286E: mhm = donc c'est↑ voilà c'est↑ vous ^avez récité la coupure↑ oui juste j'étais à l’âge où on sait le moins parler à des enfants = il se croit ↑== il se croit↑ comment il se croit↑? mhm <…>.’Après avoir attendu sans résultat un instant prolongé, l’enseignant reproduit la même question en russe, en revenant au français pour donner une idée de réponse et de reposer la question qu’il venait de commenter en russe. Ses efforts obstinés servent à « débloquer » les apprenants. Il réussit à organiser le déroulement ultérieur du polylogue, en approuvant énergiquement chaque réponse par des reprises en écho. Nous constatons ici la coexistence des deux fonctions remplies par l’enseignant – celle d’organisateur et d’évaluateur :
En même temps, lors de l’analyse, nous avons pu observer que chaque intervention organisatrice, évaluative ou informative de l’enseignant peut contenir plusieurs types de ses manifestations, selon la classification de C. Carlo. Par exemple, nous avons, ci-dessous, une intervention organisatrice pouvant être décomposée en trois manifestations de la portée différente:
‘ 1E:<…> donc le questionnaire à partir du text[e]manifestation visant le déroulement de la thématique planifiée | donc le questionnaire à partir du text[e] |
manifestation visant la facilitation du traitement de l’input | bien nous lisons↑ = ces questions↑ et nous discutons = euh: enfin ces questions-là |
manifestation visant l’établissement et la gestion du lien communicatif | s'il vous plaît↑ mhm / qui va commencer ? mhm |
Ou bien l’intervention évaluative suivante se décompose en manifestations visant le déroulement de la thématique planifiée et explicitement focalisée sur le code:
‘ 167 E : <INT> oui le caractère de leur nouveau professeur c’est ça oui mhm d’accord↑ mhmD’autre part, le même type d’interventions de l’enseignant selon la classification de C. Carlo peut souvent s’étendre sur plusieurs interventions successives, comme ci-dessous, où l’enseignant veille prioritairement sur le déroulement de la thématique planifiée:
‘ 203A2: ↑voyez-vous quelques défauts à la première leçon qu'il a donnée↓?ou comme dans l’exemple suivant, lorsqu’il est uniquement préoccupé de la gestion du lien communicatif:
‘ 312E : oh non↓ oh là là ↑qu'est-ce qu'elle fait↓? elle frappait↑? </INT>Or l’enseignant agit constamment dans le sens que ses apprenants s’impliquent réellement dans l’échange. Il les épaule, encourage par des évaluations positives, crée une ambiance bienveillante propice à l’expression, dans le cadre de la thématique planifiée.
Cf. la page 289.
La page 278.
« Quelles en sont les preuves que vous pouvez y apporter ? Il y en a une ici. »
« C'est ça ? »
« Oui. »
« Il a peur qu'on ne le prenne pour un malappris pour une personne impolie s'il regarde fixement dans les yeux de ses premiers élèves et s'il les interroge sévèrement. »
« On l'a bientôt renvoyée. »