3. 0. Une analyse globale du corpus 2

Il s’agit de la transcription du polylogue pédagogique portant sur le même sujet et enregistré dans les mêmes circonstances que le précédent, mais cette fois-ci, ce sont des étudiants qui avaient appris à l’école secondaire une autre langue que le FLE (l’allemand ou l’anglais).445

Ce corpus est plus de deux fois moins long que le précédent: il contient en tout 208 tours de parole (petits et grands).Ceci correspond à la durée de 15 minutes 29 secondes, y compris des silences, des rires, etc. Les moments de chevauchements n’y sont toujours pas pris en compte séparément, mais un temps de parole réel est calculé pour chacun des participants individuellement ci-dessous. L’enregistrement s’interrompt brusquement, probablement à cause d’un problème technique, puisque déjà au cours du polylogue, l’enseignant a dû intervenir plusieurs fois pour régler le magnétophone. Ceci fait penser que la durée réelle de l’activité aurait pu être à peu près équivalente à celle du premier enregistrement; ce qui nous semble assez logique compte tenu du même programme pour les deux groupes parallèles.

Essayons néanmoins d’analyser en bref la participation de chaque locuteur du second polylogue:


Participants
Quantité de tours de parole Durée totale des tours de parole
Remarques
E 102 (49%) 8’21’’ (52,8%) Le tour de parole le plus long est égal à 1’13’’.

A1

20 (9,6%)

1’30’’ (9,5%)
1’15’’ sont réservées à la lecture à haute voix des questions du manuel, 4’’– aux silences, et 11’’– à la nominations des personnes censées répondre à des questions posées.
A2 8 (4%) 0’ 41’’ (4,3%) 6’’ de silences, défauts de prononciation et d’intonation.

A3

8 (4%)

0’42’’ (4,4%)
1’’ de silence ; initiation d’une jolie clôture du polylogue ; une fois exprime une affirmation en russe (da).

A4

5 (2,4%)

0’47’’ (5%)
27’’ = la réponse par une reproduction d’un passage du texte ; cette étudiante prend toujours le texte analysé comme modèle de ses réponses; pas d’hésitations ni de pauses.
A5 1(0,5%) 0’13’’ (1,4%) Répond par un passage du texte.

A6

9 (4,3%)

0’39’’ (4%)
Erreurs de grammaire sur l’emploi de la négation ne pas et des temps au passé; essaie de construire ses propres phrases.
A7 6 (3%) 0’18’’ (2%) Parle avec beaucoup d’hésitations.

A8

16 (8%)

1’04’’ (6,7%)
Hésite et reprend volontiers des phrases de l’enseignant, mais est capable de formuler ses idées lui-même.
A9 11 (5%) 0’53’’ (5,6%) Malgré des difficultés au niveau du vocabulaire, persiste dans l’expression de ses propres idées.
A non-identifiés 17 (8,2%) 0’30’’ (3,1%) , dont 12’’ de silences et d’hésitations.
G 5 (2%) 0’11’’ (1,2%) Une attitude passive des « spectateurs ».
Total 208 (100%) 15’49’’  

Il s’avère qu’entre la durée sommaire des tours de parole et celle de l’enregistrement, il y a la différence de 20 secondes qui apparaît suite à des chevauchements. Ce temps n’est pas bien sûr important, mais quand même il s’agit d’un profit supplémentaire que les étudiants peuvent tirer pour travailler leur oral en FLE, juste en joignant leur parole au flux du polylogue.

Nous voyons que l’enseignant intervient 102 fois, ce qui représente presque la moitié de tous les tours de parole (voir le tableau ci-dessus). Son tour de parole le plus étendu est égal à 1 minute 13 secondes, ce qui s’avère plus important que dans le premier polylogue analysé.446 En fait, ce fameux tour de parole (165E) englobe toutes les trois fonctions de l’enseignant qui se succèdent; la fonction d’organisateur y est même reprise deux fois, ce qui fait au total 22’’, contre 38’’ de la fonction d’informateur et 13’’ de celle d’évaluateur.

Comme dans le groupe précédent, il y a dans ce polylogue une apprenante dominante censée « gérer » le questionnaire après le texte, en désignant les personnes à répondre. Nous pensons que l’enseignant a accordée cette fonction avant l’enregistrement, puisque une jeune fille énonce la première question du manuel tout de suite après le préambule de l’enseignant et l’adresse immédiatement à l’une de ses camarades de groupe, comme si elle remplit une convention:

1E:ah: le texte euh: enfin le fragment du livre de Paul Guth Le naïf et ses quarante enfants n'est-ce pas ?
euh: alors euh: la première question à poser s'il vous plaît447
2A1: décrivez les toutes premiers premières ^impressions du héros d[e] ce texte le matin de sa première journée de travail
Nathalie↓ <…>.’

L’enseignant restera, quant à lui, en permanence un dirigeant très actif, ne laissant jamais la jeune fille protagoniste se débrouiller toute seule. Celle-ci suit ses consignes à la lettre:

14A3:et: = comme autrefois euh: = il avait il avait peur
15E   : mhm mhm d'accord↑
mademoiselle↑ allez-^y
16A1: euh: ==
17E   : ah oui c'est vous
18A1: pourquoi est-^il venu au lycée avant l'heure fixée↓? que faisait-^il pendant ce temps↓?
Marie↑
19E   : <INT>eh bien↑ <tout bas> </INT> <…>.’

L’enseignant seconde le moindre geste de l’apprenante dominante: ils sont co-dirigeants et c’est l’enseignant qui a toujours la dernière parole.

Finalement, l’enseignant s’investit dans l’activité durant 8’21’’, ce qui est équivalent à 52,8%, et l’étudiante-protagoniste parle pendant seulement 1’30’’ au total (9,5%), dont 1’15’’ sont réservées à la lecture à haute voix des questions du manuel, 4’’– aux silences, et 11’’– à la nominations des personnes censées répondre à des questions posées. Il s’avère que l’apprenante protagoniste n’a effectué qu’un discours « programmé », servant à structurer le polylogue pédagogique. Pour elle, il ne s’agissait finalement pas de développer réellement son oral en FLE. Elle s’est trouvée intermédiaire entre l’enseignant et le groupe. D’autre part, il y a 102 tours de parole de l’enseignant contre 20 tours de l’étudiante dominante, respectivement 49% contre 9,6%, ce qui montre une réelle distribution des places entre les deux co-dirigeants de l’activité. Le polylogue contient 208 tours de parole au total, mais la participation de l’apprenante protagoniste – comme dans le corpus précédent - s’arrête net « à mi-chemin » - au tour 141 – lorsque l’enseignant décide d’aborder les questions touchant au passé des apprenants. A partir de là, c’est lui seul qui devient protagoniste.

Notes
445.

Revoir la page 269.

446.

Cf. le tableau à la page 277.

447.