3. 3. 3. Gestion globale du groupe

Tout au début du corpus 2, comme c’était le cas pour l’activité similaire dans le groupe précédent, l’enseignant énonce à ses apprenants une sorte de règle de jeu: discuter les questions du manuel au sujet de l’extrait étudié. Le préambule du présent corpus s’est avéré très bref.451

Nous pouvons constater que le second polylogue a été mieux organisé au préalable que le précédent.

Mais dès que l’apprenante protagoniste nomme une étudiante à répondre à la première question, c’est l’enseignant qui intervient en faisant une légère pression sur cette dernière, sans la laisser une seconde se débrouiller toute seule:

2A1: <…> Nathalie↓
3E   : eh bien↑ <…>.’

Et cette façon d’agir de l’enseignant sera observée systématiquement à travers le polylogue. Il est le seul vrai « meneur de jeu »: l’un contre tous, c’est-à-dire contre la passivité du groupe. Mais justement, cette passivité ne pourrait-elle pas être en partie conditionnée par un agir « trop intense » de l’enseignant analysé, comme dans le polylogue pédagogique précédent ?

Les interventions du professeur apparaissant dans la suite de l’interaction seront liées à la consigne de départ (visent le déroulement de la thématique planifiée) ou se concentreront sur des répartitions des tours de parole et des manifestations évaluatives ou informatives.

De plus, dès le début du polylogue 2, l’enseignant est confronté à quelques problèmes techniques d’enregistrement. Il est obligé de les gérer parallèlement avec ses fonctions d’organisateur. Ses tours de parole d’ordre technique interrompent de temps en temps (7 fois à travers l’activité) le fil du dialogue et brisent le naturel de l’ambiance, qui est déjà assez fragile sans cela:

3E   : eh bien↑ / bon une minute une minute bon puisque = il e:st très ^éloigné le micro microphone / bon allez-y parlez plus haut <…;
30E:Valentine↑ = mhm s'il vous plaît Valentine = / bon une minute
31A6: pour commencer
32E   : <INT> bon une minute c'est ça parce que quand même c'est très très loin ah bon = allez-^y </INT> <…>.’

Le professeur se sent toujours dans l’obligation d’impliquer tous dans l’échange: si l’apprenant désigné hésite à répondre, il réadresse immédiatement la question au groupe:

38E: voilà / eh bien Olga↑ c'est vrai↑? c'est juste↑?
39A1: dans quelle in- =
40E   : <INT> mhm </INT>
41A1: -tention la le jeune professeur a-t-il demandé qui était le premier en dessin↓?
42E   : mhm dans quelle intention↑? quelle était l'intention↑? / s'il vous plaît↑ mesd[e]moiselles↑ mess- messieurs↑ <…>.’

Dans ce polylogue aussi bien que dans le précédent, l’enseignant est un organisateur persévérant veillant à faire travailler tout le monde, afin d’élaborer ensemble des réponses aux questions. D’autre part, nous constatons que l’apprenante protagoniste du second polylogue se sent plus responsable de la gestion du questionnaire, quoique l’enseignant lui « vole » fréquemment l’initiative, en annonçant le passage à la question suivante.

Le climat d’échanges reste bienveillant, encourageant, par endroits même informel (la gestion du lien communicatif):

104E   : se soumettre à lui↓ hum↑? se soumettre à lui↓ hum↑? c’est ça ? ouai ouai <…>.’

Tout en s’efforçant de « mettre de l’ambiance », de motiver la parole des étudiant, l’enseignant apporte des exemples de réponses du groupe précédent:

165E: <…> par ^exemple dans l'autre groupe on m'a parlé euh: beaucoup de: quoi↑ de euh même de sept euh: de l'âge de sept ans d'huit ans lorsqu'ils ont vu son leur premier euh: professeur instituteur plutôt et l'institutrice n'est-ce pas↑? à l'école↑ et voilà les ^impressions étaient tout ^à fai:t différentes par ^exemple on m'a dit qu'il y était il y avait des ^institutrices vraiment furieusescoléreuses et puis il y avait tout ^à fait très bonnes et cétéra et on se rappelle des noms et cétéra <…>. ’

Dans le second polylogue, l’enseignant ne propose pas de lire un passage du texte, mais aiguille implicitement ses apprenants vers l’extrait, présentant le manuel comme un médiateur indispensable du travail:

138E: <…> mais↑ enfin il voulait être quoi↑? ↑LA- FOR-CE ET- LA- PAIX↓ ah↑? vous vous vous vous rappelez ah↑? cette combinaison ce mélange de la force et de la paix que nous le voyons = c'est ça↑?
et maint[e]nant encore la question s'il vous plaît lisez <…>.’

Une faible implication des étudiants, leur attitude réservée s’explique – comme dans le polylogue 1 -, d’une part, par des déficiences lexico-grammaticales propres à leur niveau d’apprentissage et, d’autre part, par ce qu’ils ont l’habitude de respecter la hiérarchie des relations « enseignant-apprenants ». Il serait intéressant de laisser la jeune fille protagoniste agir en fonction de ses moyens, au moins pendant cinq-sept minutes. Elle aurait réussi peut-être à faire participer les personnes qui se sentaient timides face à l’autorité du professeur, ayant créé un climat des échanges plus naturel , informel.

En réalité, c’est l’enseignant et non pas l’apprenante dominante, encore incompétente, qui réagit toujours le premier à toute intervention d’étudiants, en les encourageant à continuer. Il gère à la fois le déroulement de la thématique planifiée et un lien communicatif:

133A: il peut-être sévère avec des ^enfants
134E: voilà il peut-être sévè:re↑ à l'égard des ^enfants / il y a des ^idées↓ encore↑? = / alors c'est ça veut dire que vous soutenez↓? =
135A: oui
136E: oui voilà
137A: b ien sûr
138E: bien sûr même↓ ah↑? certes↓ ça va↓ certes↓ <…>.’

Dès qu’il y a une difficulté, l’enseignant se précipite pour sauver le polylogue:

100A8   : et: et: ils n- = ils n- ils ne veulent pas euh: l'é- l'écouter et: euh: = e:t au moins = euh: *patchiniatsa* <demande l’équivalent du mot en français>
101E   : comment↑ *patchiniatsa*↓ <s’adresse au groupe> soum- soum- soumettre se soumettre <…>.’

Il tient absolument que les échanges se poursuivent et que cela se passe dans la direction planifiée.

Comme dans le polylogue précédent, l’enseignant recourt fréquemment aux feed-back du type n’est-ce pas ?,pour attirer l’attention de ses étudiants, les impliquer dans l’action:

66E   : parce qu'il veu:t veut connaître enfin peut-être leurs réactions↓ n'est-ce pas↑?
67A7   : oui
68E   : <INT> voilà l- la conduite familiale hum↑ de ses de ses de leurs ^enfants n'est-ce pas↑? euh: pour avoir des relations mutuelles↑ euh: enfin: les plus favorables entre l'école et pui:s euh: entre l'école et la maison n'est-ce pas↑? où habitaient ces ^enfants leurs ^enfants ses ^enfants c'est ça↑?<…>.’

Il est intéressant de constater que les questions que l’apprenante pose sans hésiter dans un ordre bien précis, ne se suivent pas dans le questionnaire du manuel (cf. l’Annexe 4). On dirait qu’il s’agit d’une présélection, ou d’une préplanification.

Notes
451.

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