3. 4. Enseignant-évaluateur 

Maintenant, adressons-nous au troisième constituant du schéma ternaire des échanges pédagogiques.

3. 4. 1. Organisation locale du troisième temps d’échanges

La fonction évaluative de l’enseignant se manifeste dans ce corpus-ci par des procédés similaires à ceux que nous avons repérés dans le corpus précédent:

  • opérations appréciatives, concernant les productions. Ce sont de brèves approbations du type bon, bien, d’accord, oui, voilà, certes, etc., employées chacune d’une manière indépendante ou regroupées arbitrairement, aussi bien que le phatique polysémique mhm. En même temps, la fonction évaluative se traduit parfois par l’intermédiaire des commentaires méta-. Nous avons remarqué que les jugements métacommunicatifs de l’enseignant concernant la correction des énoncés ont ici à peu près la même importance que ses manifestations évaluant le contenu thématique de ces mêmes énoncés;
  • des opérations correctives produisant l’énoncé correct destiné à remplacer le discours erroné de l’apprenant. Par exemple:
198A: je pense que c'était s- euh: sa première stage↑
199E: oui sa première leçon↑ oui même mhm <…>; ’
  • des opérations visant à signaler un emploi erroné ou inexact d’un phénomène linguistique dans le but de stimuler une autocorrection, comme ci-dessous:
158A9: il était peureux aussi
159E: comment↑?
160A9: peureux
161E: peureux a:h ça veut dire il e:st enfin ses ^élèves lui faisaient peur ah↑?
162A9: parce qu'on pouvait parce qu'on doit ^être euh: peureux pou:r pou:r ne pour ne pas ^à oser à re- oser à regarder quelqu'un en face
163E: <INT> mhm mhmmhm </INT>
164A9: euh: sans certain
165E: oui pour lui peut c'est peut-être c'était impoli ah↑? euh: c'est son père qui lui: disait que: c'est vraiment impoli de regarder en face puisque ça c'est ça c[e]la a l'air de narguer ah: cette personne-là↑ ah c'est comme ça↑? d'accord↑? <…>;’
  • des opérations indirectes, par exemple, par les reprises par l’enseignant d’un énoncé (ou d’une partie de l’énoncé) correct produit par l’apprenant, signifiant que ce premier l’accepte.
77A2   : et: les ^élèves euh: ont ^été étonnés
78E   : mhmont été ↑vraiment↓ étonnés ↑vraiment↓ étonnés bien sûr oui <…>.’

Nous voyons que l’enseignant reprend une partie d’énoncé de l’apprenant en la perfectionnant en même temps. Il peut parfois approuver un terme erroné du point de vue de sa forme, si en principe le choix du mot est bon; l’enseignant le corrigera au moment de l’évaluation; par exemple:

152A9: i:l il n'avait pas asse:z d d'expérance↑
153E: <INT>oui d'expérienced'expérience mhm</INT>
154A9: d'expérience <…>;’
  • des opérations de reformulation (en français et en russe), afin de se faire mieux comprendre:
128E: euh: est-ce que cette l[e]çon a été vraiment irréprochable ? *bésouprétchnim bil étot ourok ili vi chtchitaïété chto gdéta chtota nada bila isménit'*↑? quelque chose ^à changer à lui à ce jeune professeur↑? peut-être sa manière sa conduite étai:t était aussi un peu à changer↑? bon selon vous↓? <…>.’

L’enseignant procède ici par des moyens prosodiques – par son intonation - pour mettre en relief le terme français et son équivalent russe, qu’il renforce par des commentaires métalinguistiques. L’intonation sert souvent à l’enseignant à insister sur des mots ou des expressions qu’il est souhaitable de réutiliser lors des réponses ultérieures (voir l’exemple ci-dessus). On dirait qu’il impose gentiment son point de vue, explicite sa variante de réponse.

Dans ce corpus, à la différence du précédent, la plupart du temps, c’est l’enseignant lui-même qui évalue les productions de ses apprenants. Serait-ce à cause des difficultés de mettre ce procédé en marche avec le premier groupe ? Une fois seulement, au début de l’activité, il a adressé explicitement à l’étudiante protagoniste sa demande d’évaluer la réponse:

37A6   : c'est tout <tout bas>
38E: voilà / eh bien / Olga↑ c'est vrai↑? c'est juste↑? <…>.’

Celle-ci n’en ayant pas l’habitude a compris la consigne dans le sens qu’elle devait énoncer la question suivante; c’était ce qu’elle a immédiatement exécuté. Dès le début de l’activité, elle a conclu que c’était toujours l’enseignant qui évaluait des réponses, son rôle à elle étant de lire les questions et de nommer des personnes à y répondre.