Faisons une étude comparative des jeux professionnels« Communication téléphonique» que nous venons d’analyser, et de deux jeux de rôle au même sujet réalisés hors cadre d’apprentissage, dans un milieu homoglotte, dans une situation endolingue bilingue, toujours par des locuteurs russes (Annexes 8 et 9). Toues ces simulations ont été faites d’après le même scénario.511
Évoquons les caractéristiques principales de trois types d’échantillons à confronter:
Corpus N° | 3 et 4 | 6 | 7 |
Type d’activité |
jeux professionnels |
jeux de rôle |
jeux de rôle |
Cadre d’enregistrement | apprentissage organisé (université pédagogique) | hors situation didactique (internat de l’hôpital) | hors situation didactique (appartement privé) |
Milieu | hétéroglotte | homoglotte | homoglotte |
Situation |
endolingue (les niveaux des apprenants sont supposés d’être égaux) bilingue |
endolingue bilingue |
endolingue bilingue |
Niveau de maîtrise du français | Pour chaque année: un groupe = 7 ans d’école secondaire + 1 an et demie de faculté de langues; l’autre groupe = 1 an et demie/deux ans et demie de faculté de langues. | Un interactant = 7 ans d’école secondaire spécialisée en français (en Russie), suivis de deux ans sans aucun contact avec le français, ensuite 6 ans d’études et de travail en médecine en France; l’autre interactante = 7 ans d’anglais dans une école secondaire russe et à l’université de médecine en Russie + 8 ans d’études et de travail en médecine en France. | Les deux interlocuteurs sont Russes scolarisés en France depuis quelques années. L’un a 18 ans et a déjà vécu en France pendant quatre ans environs; l’autre a 16 ans et habite en France depuis cinq ans. |
Rassemblons maintenant des traits communs et des particularités propres à chaque corpus:
Traits communs | Différences |
1) le même type d’activité, 2) le même thème, 3) le même scénario de base, 4) les mêmes situations d’interaction (endolingues), 4) les moyens techniques d’enregistrement similaires, 5) le même nombre de participants (2). |
1) différents cadres d’enregistrement, 2) différents milieux d’interaction, 3) divers niveaux de maîtrise du français, parfois même au sein du même dialogue. |
Nous constatons qu’au premier abord, il y a plus de similitudes que de différences entre les trois activités.
Du point de vue des similitudes, tout est clair. Il est évident que ce sont les différences qui sont à l’origine des variétés des résultats obtenus.
Lors d’une approche générale des jeux professionnels (Annexe 7) ci-dessus, nous avons donné notre premier avis sur leur caractère, sur leurs particularités et leurs traits communs.
La première chose que nous constatons en abordant le corpus 6 (Annexe 8), est que les deux interactants parlent avec entrain, en faisant de leur mieux pour rendre leur communication la plus authentique possible. Chacun a un apport équivalent dans le dialogue: ils co-construisent leur relation « à chaud », tous les deux étant co-auteurs de la production finale. La durée de l’enregistrement est 1’36’’; il enferme 9 tours de parole assez étendus.
Le corpus 7 (Annexe 9) se basant sur le même scénario que ceux des deux annexes ci-dessus, reproduit le dialogue entre les deux jeunes Russes scolarisés en France depuis quelques années, l’un étant un peu mieux intégré dans la société que l’autre.512 Ce fait est reflété par leurs manières de parler: l’un est très bien dans sa peau et s’exprime aisément; l’autre parle avec hésitations, mais s’applique pour être aussi « à niveau ». La durée de l’enregistrement est égale à 1’52’’, dont 18’’ sont réservées à des bruits imitant la composition d’un numéro et à des sonneries de téléphone. Finalement, il reste 1’34’’ pour un dialogue au sens propre, ce qui est de 2’’ moins que dans le corpus précédent. En tout, nous y avons 18 tours de parole bien développés par chaque interactant respectivement. Nous avons remarqué qu’une prise de notes avait eu lieu juste avant l’enregistrement. En même temps, nous constatons la présence des co-constructions « à chaud », des improvisations.
La principale différence entre les deux derniers enregistrements consiste en ce que les interactants du corpus 7 habitent en France où ils fréquentent des lycées, en perfectionnant leurs savoirs et savoir-faire linguistiques et langagiers sous la direction des enseignants natifs, tandis que ceux du corpus 6 suivent leurs études en médecine et travaillent aux hôpitaux de Lyon et de Valence, sans être concernéspar l’apprentissage guidé du français.
De leur côté, les participants des jeux professionnels des corpus 3 et 4, à la différence de ceux des corpus 6 et 7, suivent un apprentissage organisé du FLE d’une longue durée en dehors de la France, dirigés par l’enseignant non-natif.
Enfin, nous devons distinguer les jeux de rôle (corpus 6 et 7) des jeux professionnels (corpus 3 et 4), du point de vue de leur degré de spontanéité.513
Faisons des études comparatives des corpus en question, en analysant tour à tour leurs séquences d’ouverture et de clôture et leurs corps d’interaction.
Pour leurs caractéristiques détaillées, voir le début de cette partie, notamment Caractéristique des données.
A ce propos, nous nous sommes référés sur les postulats de l’article de R. Bouchard «Du Français fondamental à la compétence scolaire ...en passant par le français de scolarisation », résumés dans les pages 235-238 du présent travail.
Voir la page 261.