Conclusion sommaire

Nous avons étudié les trois activités se basant sur une analyse d’un extrait littéraire présent dans un manuel de FLE destiné aux étudiants russes de deuxième année des universités pédagogiques. Il s’agit donc du même encadrement textuel et de l’exploitation du même questionnaire du manuel dans les trois cas. Sauf que dans le deux premiers cas, il s’agit du compte rendu collectif d’un travail fait à la maison, dans une situation d’apprentissage exolingue, tandis que dans le troisième cas, nous avons un dialogue construit à chaud, dans une situation endolingue, en dehors de l’apprentissage. Il est à remarquer que les polylogues pédagogiques ont aussi été définitivement construits au fil de leur progression et en fonction des réactions immédiates des interactants concrets, c’est pourquoi les résultats finals se distinguent.

Les deux premières activités étant des polylogues pédagogiques, leur dénomination caractérise automatiquement leur nature et leur but, ainsi que les particularités des relations entre leurs participants. Nous avons constaté que bien que l’enseignant s’efforce de diminuer la distance horizontale le séparant du groupe – par son ton amical, ses évaluations positives et ses encouragements -, il n’est pas toujours cohérent dans ses démarches, puisque, par ailleurs, il ne laisse pas d’oxygène à ses apprenants, en leur faisant savoir à chaque instant qu’ils doivent compter sur lui, ce qui les persuade de sa surcompétence, en augmentant ainsi le « précipice » les désunissant: ils ne contestent point leurs positions basses par rapport à leur professeur qui est le seul à être très haut placé. Mais la parole ne peut se perfectionner qu’au fil des pratiques intensives, surtout lorsqu’il s’agit d’un milieu hétéroglotte. De plus, le choix des activités et leur approche doit concerner personnellement chaque apprenant, pour motiver leur expression. Nous sommes en train de confirmer notre thèse du naturel didactique qui est à l’origine de tout progrès dans l’enseignement/apprentissage des langues étrangères et du FLE bien entendu.

En y comparant maintenant le dialogue dirigé, nous constatons que l’absence de contraintes didactiques pose un problème opposé: l’interactant est parfois trop décontracté, ce qui l’empêche même de terminer ses phrases du premier coup. Mais en même temps, il possède des bases lexico-syntaxiques correctes, qui résultent généralement de ce qu’il se trouve en permanence dans un milieu homoglotte et qu’il étudie dans un lycée traditionnel français. Cet enregistrement apparaît moins représentatif quant à l’exploitation du contenu du texte analysé que celui réalisé par des étudiants russes de l’université (Annexe 5), mais il s’avère plus original du point de vue des réactions, des expressions, des comportements du jeune interlocuteur, ce dont on s’aperçoit à peine dans la discussion universitaire. On dirait que dans le premier cas (Annexe 6), nous observons cette spontanéité fraîche qu’on peut rarement trouver en salle d’études, où les apprenants et leur enseignant ont tous leurs rôles bien déterminés par l’institution et par un contrat didactique fixé à l’avance. Son interlocutrice, la mère catégorisée par l’activité comme enseignante tente de rester neutre à son égard, dans l’intérêt de la discussion (à l’opposé du professeur de FLE dans les corpus 1 et 2). Enfin, dans le dialogue dirigé, chaque question a été parfaitement élucidée, il n’y avait pas de ces abandons brusques d’un sujet et de passages immédiats à un autre, ce qui a généralement caractérisé nos polylogues pédagogiques.

Les étudiants de l’université pédagogique russe ont à leur disposition moins d’exemples de l’oral authentique que le jeune homme du dialogue dirigé analysé, à cause de ce que ces premiers ne peuvent converser que ponctuellement avec les natifs. L’assistante de langue et l’enseignant non-natif sont leurs seules références. Cette « restriction » influence toutes leurs activités destinées à relever la qualité de l’oral, ce que nous avons essayé de montrer à travers une analyse comparative de nos enregistrements des « Communications téléphoniques ».