1. Émergence et dimension politique de l’éducation inclusive (poids des grandes Déclarations internationales)

Si les luttes et revendications des personnes en situation de handicap ont gagné une certaine visibilité, surtout dans les pays d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale à partir des années 80, c’est surtout à partir des premières années 90 que l’idée d’éducation pour tous prend son ampleur sur la scène international. En effet, la Conférence International de Jomtien (Thaïlande), en 1990, constitue le moment de référence de l’éducation inclusive en tant qu’elle prend appui sur l’idée d’éducation pour tous, y compris les personnes touchées par le handicap. Du reste, il convient de noter qu’à l’occasion de cette déclaration internationale, les personnes souffrant de déficience ne sont qu’une des modalités auxquelles s’adresse la nécessité d’éducation pour tous. Elle visent en tout premier lieu les femmes et les jeune filles, ainsi que tous les enfants souffrant d’exclusion pour raisons sociale, raciale, ethnique, culturelle, confessionnelle, etc. Cet ensemble de personnes visées par l’éducation inclusive sera reprise dans la deuxième Déclaration phare, celle de Salamanque en 1994, qui verra apparaître une notion fondamentale, celle de “nécessité éducative spécifique“. Si tous les enfants/personnes évoquées précédemment sont encore l’objectif de ce grand texte fondateur, à partir de cette date, au plan international comme brésilien (et j’écrirais même surtout brésilien), ce sont surtout les personnes touchées par le handicap qui sont visées de plus en plus spécifiquement et, s’il devait demeuré un doute quant à cela, la Convention de Guatemala5 en 1999 se montre très claire à ce sujet, dès même son intitulé. Il est intéressant de noter comment ce principe de l’adaptation de l’enseignement aux “nécessités éducatives spécifiques“ des enfants va se cristalliser sur l’enfance souffrant de déficience, ce dont personne ne peut se plaindre, mais qui interroge aussi, sur un plan plus sociologique, la capacité de l’enseignement à offrir des réponses adaptées aux élèves issus de minorités ethniques, culturelles ou des couches sociales les plus défavorisées, et ceci d’autant plus si l’on se place dans une perspective bourdieusienne...

Au Brésil, signataire de tous ces grands textes, ces Déclarations internationales vont avoir un impact important puisque les principaux textes de loi du pays, à partir de la décade 90 (appelée, internationalement, “Décade pour l’éducation“), vont prendre appui sur elles: le texte re-fondateur de l’architecture éducationnelle brésilienne, la LDBEN/1996 (Loi de Directrices et Bases) s’inspire très nettement de la Déclaration de Salamanque (1994). Quant à la Convention de Guatemala (1999) elle est déclinée sous la forme du Décret n° 3.956/2001 qui impose véritablement, et se fait très insistant sur ce point, l’entrée des enfants ayant une déficience dans tous les établissements qui forment le réseau régulier d’enseignement brésilien (écoles publiques, privées et à caractère philanthropique). Il convient de rappeler qu’à partir de 1965, comme évoqué dans le chapitre 1, par le biais des accords USAID-MEC, toute la politique éducative brésilienne est influencée par les directives nord-américaines, ce qui fait écrire à Saviani (2003, 2005, 2007) que parler de “système scolaire brésilien“ constitue un abus de langage.

Notes
5.

Convenção Interamericana Para A Eliminação de Todas as Formas de Discriminação Contra as Pessoas Portadoras de Deficiência. Guatemala, UNESCO, 1999.