2.3 Le dispositif de la recherche dans l’école et ses éléments constitutifs

Comme l’a résumé Foucault, le dispositif est fait d’un ensemble hétérogène de “dits“ et de “non-dits“. Il est inséparable du réseau de pouvoir savoir dans lequel il s’inscrit et des discours qui le traversent et le constituent. Si la recherche compte beaucoup de choses “dites“, énoncées, elle repose aussi sur des choses “non-dites“, peut-être non ou mal perçues par les chercheurs eux-mêmes. En effet, se l’on considère le dispositif de la recherche générale comme faisant partie d’un dispositif plus important, et politique - celui de la CAPES/SEESP, au service du Ministère de l’Education et de la Culture - qui l’a sélectionné et le finance (et c’est aussi la thèse que je défends), il opère, d’une certaine manière, comme instrument et instance au service de la mise en pratique d’une politique publique: l’inclusion scolaire des enfants ayant une déficience. A ce titre, il ne peut difficilement échapper à une propension à exercer une certain pression afin de pouvoir mener à bien la mission expérimentale dans laquelle il fut engagé. Comme l’a évoqué Poulantzas, cette pression (inhérente, à des degrés divers, à tout type de dispositif de mise en pratique d’une politique publique ou, pour le moins, de transformation de certaines pratiques) qui se manifeste sous les registres de la coercition et de la persuasion, sous de formes “douces“, discrètes ou même cachées, en partie, aux propres chercheurs, trouve un mode et des conditions d’expression d’autant plus subtiles et légitimes que ce dispositif de recherche se love dans le caractère obligatoire de la loi, s’appuie sur le fait d’être constitué projet-pilote par sa sélection par les plus grandes instances institutionnelles liées à l’école, ainsi que par le fait qu’il prenne appui sur des valeurs morales et universalistes difficilement récusables (citoyenneté, respect de la diversité des êtres humains, droit à l’éducation, justice et égalité sociale, etc.). Comme le montre cette ethnographie, à ces registres de la coercition et de la persuasion se joint celui de la réaction, de la résistance de la part des “bénéficiaires“ de ce dispositif. Revel (2008, p.114) combien les manifestations de résistance dans la recherche sont liées aux relations de pouvoir que se créent entre partenaires:

‘la résistance se donne nécessairement là où il y a du pouvoir, parce qu’elle est inséparable des relations de pouvoir; il arrive qu’elle fonde les relations de pouvoir tout comme elle en est parfois le résultat; dans la mesure où les relations de pouvoir sont partout, la résistance est la possibilité de creuser des espaces de luttes et de ménager des possibilités de transformation partout. L’analyse des rapports entre les relations de pouvoir et les foyers de résistance est donc faite par Foucault en termes de stratégie et de tactique: chaque mouvement de l’un sert de point d’appui pour une contre-offensive de l’autre. ’

Avant de voir à l’oeuvre ces manifestations de résistance, je vais présenter rapidement ces registres de la coercition et de la persuasion qui agissent, souvent très subtilement, dans les diverses activités de la recherche.