1. Les effets de rencontre du contrat

La référence au contrat, on le voit au cours des rappels à l’ordre, tant dans l’école que dans l’équipe de recherche, possède une vertu disciplinaire non négligeable dans la gestion de ces trois années d’expérimentation. Ce n’est pas tant, en fait, le contrat en soi qui est générateur d’effets de pouvoir, de pression ou de domination - non effective comme on le percevra plus avant - mais plutôt le fait que, par les conditions mêmes de sa formulation, il revête un caractère d’unilatéralité, d’asymétrie quant aux possibilités offertes aux uns et aux autres de le manipuler comme élément de pouvoir, comme élément régulateur de la relation et des obligations. Le contrat, manipulé comme il l’a été au sein de l’école, atteste d’une relation déséquilibrée qui pose la question du partenariat effectif, de la réalité de cette co-construction affirmée et désirée par les chercheurs avec les professionnels de l’école.

Avant de l’aborder, il conviendrait de préciser qu’existe, dans la recherche, divers niveaux de contrat qui ne peuvent être que survolés rapidement dans le cadre de ce résumé. La marque inaugurale de cette rencontre entre professionnels de l’école publique et universitaires fut scellée avec la signature officielle, et extrêmement engageante et contraignante pour la responsable de l’équipe, du contrat qui liera cette dernière avec un représentant de l’Etat (la CAPES/SEESP) dans la réalisation des conditions de transformation d’un établissement scolaire en école inclusive. Au sein de l’équipe même, trois membres se sont engagés à respecter un certain nombre de conditions et de contraintes afin de pouvoir bénéficier d’une bourse d’études durant le temps de leur formation universitaire. Ils se sont engagés aussi à produire le résultat de leurs travaux (thèse) dans un temps imparti. Il s’agit là d’une dimension (la seule du reste, véritablement) formelle, juridiquement engageante du contrat entre quelques chercheurs, la responsable de l’équipe universitaire et les représentants de l’Etat et gestionnaires de l’argent public.

Si un esprit de solidarité existe bien entre étudiants-chercheurs et directeurs de recherche, celui-ci ne peut faire oublier que leurs rapports s’inscrivent aussi dans des relations de pouvoir savoir qui permettent aux étudiants de bénéficier d’une plus-value de crédibilité due à l’engagement dans la cause de l’inclusion et à la crédibilité académique de leur directeur de recherche. Par ailleurs, la validation de leur travail de terrain, de leur recherche se paie aussi par une forme de loyauté envers leur professeur référent et par une forme de contrat moral passé avec lui tant en termes d’engagement à terminer un travail de recherche que de participer à ses travaux.

Par ailleurs, chaque chercheur a aussi un engagement moral tant vis-à-vis de sa propre recherche, de son objet d’investigation que vis-à-vis des personnes qui l’aident à le construire dans le quotidien de l’école. D’un autre côté, la dimension collective de l’équipe, du projet implique une forme de contrat moral vis-à-vis des engagements pris avec la CAPES et vis-à-vis des expectatives mêmes de la recherche, même s’il ne peut être exigé une obligation de résultats, tant est important le nombre de variables à prendre en compte dans sa mesure.