Chapitre 8
Un lieu qui n’appartient à personne

1. Dans les salles de classe

Ce chapitre évoque trois types d’institutrices que j’ai rencontré dans l’école Ferreira. Je ne veux pas signifier par là que l’on pourrait classer les professionnelle de cette école en trois catégories, loin de là. Simplement, j’ai eu l’occasion d’entrer, pour le moins, dans les salles de classes de ces institutrices très différentes dans leur manière d’être enseignantes à un moment donné.

L’unique fois que j’ai eu l’occasion d’accompagner les activités d’une institutrice, ce fut avec la professeure Alice. Dans la mesure où à l’époque je disposais d’un niveau de portugais satisfaisant, il s’agissait plus d’assumer les fonctions de traduction entre le professeur Bento, qui fut sollicité pour aider cette professeure, et les divers intervenants de l’école. Cette professeure de maternelle était véritablement en difficulté, dans la mesure où elle avait dans sa classe deux enfants ayant une déficience intellectuelle importante et un troisième en proie à des problèmes d’hyperactivité. Un de ces enfants lui posait particulièrement problème et la conjonction de ces trois types de difficultés la laissait dans un état d’esprit désespéré. Bien qu’elle ait invoqué de nombreuses fois ses problèmes de classe auprès de la direction, elle se sentait seule, confrontée à des conditions d’enseignement auxquelles elle n’avait pas été préparée. Durant plusieurs moi, Bento, Fernanda et moi l’avons soutenu et aidé à dépassé ces difficultés. Cette année (2007), je l’ai rencontrée, absolument radieuse. En discutant avec elle, je lui rappelle les conditions de notre rencontre, dans sa salle de classe, et je lui demande pourquoi elle semblait si heureuse. Elle me dit: «Je suis tranquille, parce que cette année, je n’ai pas “pris“ de DM (Déficient Mental) comme l’année passé. J’ai juste le petit “X“, il est tranquille, ça se passe bien. De plus, dans l’autre école (privée) où je travaille l’après-midi, je n’ai pas “pris“ non plus de DM». Prendre ou ne pas prendre, là est toute la question, semble-t-il pour la majeure partie des professeures qui ont intégré qu’avoir un enfant ayant une déficience fait partie de la nouvelle configuration scolaire.

La professeure Tânia est ce qu’on peut appeler une professeure “traditionnelle“. Elle est fidèle au programme; elle pratique beaucoup la forme de l’exposé; elle fait répéter les enfants qui ont des tâches très “traditionnelles“ à faire à la maison ou en classe. Mais j’aime passer du temps dans la salle de la professeure Tânia car, pour “traditionnelle“ qu’elle soit, il y règne une bonne humeur, une interactivité que rarement j’ai rencontrée. Les enfants semblent très heureux de ce “traditionalisme“ scolaire et l’on sent qu’entre elle et eux il y a beaucoup de complicité.

Dans la salle de la professeure Cristina, c’est une autre ambiance. Il règne un chahut indescriptible et, si j’aime rester dans la salle de la professeure Tânia, dans celle-ci je suis pris d’assaut rapidement par la fatigue, tant c’est bruyant. La professeure Cristina passe son temps à crier, à tailler des crayons qui aussitôt sont cassés. Elle fait partie des professeures qui s’absentent le plus et elle ne manifeste pas de grand enthousiasme dans son travail.