L’accompagnement proposé aux professionnels de l’école est indissociablement associé à l’idée de formation continue et ses contenus s’articulent autour des multiples paramètres et critères qui interfèrent dans le processus de construction d’une école inclusive.
Stratégiquement, ces modes d’accompagnement s’articulent, s’organisent en temps de formation collectifs, (réunions de travail, formations du samedi matin ou formations spécifiques, etc.); en temps d’accompagnement individuel ou semi-individuel (observation/conseil/analyse de la pratique individuelle ou en petits groupes; temps d’évaluation des pratiques ou des évolutions à travers d’instruments évaluatifs ou de la technique des groupes focalisés, etc.). Généralement, les temps d’étude collectif sont consacrés à la présentation et à l’approfondissement théorique des diverses thématiques liées à l’inclusion.
L’ethnographie de ces moments de formation présente l’intérêt de prêter une attention soutenue aux “chorégraphies“, aux rites qui organisent dans l’espace et le temps les divers partenaires; de percevoir quelles stratégies d’évitement ou d’occupation du temps les uns utilisent et quelles manières “d’encadrement“, de dispersion des “forces“ dans l’espace les autres privilégient. Il n’est pas question ici de présenter dans le détail ces diverses techniques disciplinaires de fixation des corps, des esprits, des attentions sont utilisées par les chercheurs dans le but de persuader ou de diffuser efficacement la vérité, ni les multiples stratégies de moindre investissement ou de résistance plus ou moins ouverte développées par les professionnels qui, pour une bonne part, participent parce qu’il s’agit d’un moment imposé par les directives30 du Secrétariat à l’Education.
Au fil du temps, nos pratiques discursives contribuèrent à l’apparition de nouveaux objets de savoir dans la vie des professeures. Si la dimension de la planification de leurs activités reste encore un sujet de tension et de peu d’investissement de la part de certaines institutrices, les besoins éducatifs spécifiques de certains enfants de leur classe commencent à faire sens peu à peu.
Du point de vue des stratégies à aborder par les chercheurs, j’ai observé que de leur capacité de leadership dépend beaucoup la propension des professeurs à fixer leur attention et à se laisser séduire par le discours inclusif. En effet, dans la mesure où ce sont surtout les chercheurs qui ont des intérêts et des motivations pour développer le modèle inclusif, certaines professeures savent que le temps agit en leur faveur. De toute manière, elles quittent l’école à onze heures avec le sentiment d’avoir assumer leur engagement de présence le samedi matin. Ainsi, si le chercheur veut gagner l’adhésion des institutrices, il doit développer des stratégies de persuasion aussi diverses que la séduction, le leadership charismatique, la force de son propre savoir, certains modes subtiles de pression, son autorité en tant qu’universitaire ou comme professionnel de la pédagogie, sa renommée ou sa position hiérarchique dans la recherche.
Si les régimes de vérité diffusés par le groupe de recherche contribuèrent à produire divers effets d’objectivation, rendant visibles de nouveaux sujets, la volonté de savoir la vérité (sur les professionnels) qui a animé les chercheurs a favorisé aussi l’émergence de nouvelles subjectivités. Voyons comment l’accouplement série de pratiques/régime de vérité forme un dispositif de pouvoir savoir producteur de technologies de soi et de diverses stratégies d’appropriation des discours pour soi même de la part de certaines institutrices.
En effet, en plus de leur temps pédagogique, les professeurs de l’enseignement public sont tenus de participer à des réunions de travail deux samedis matin par mois. Il s’agit de réfléchir sur le projet éducatif de l’école, traiter des aspects organisationnels ou de planifier des projets, etc. Donc nombre de professeurs venaient, j’en suis convaincu, “ pour faire leurs heures“.