1) Une source contraignante : les miracles chrétiens dans la Passion

Apprécier le créativité de Nicolas de Vérone dans la Passion n’est pas chose aisée a priori puisque le poète suit fidèlement les Evangiles, qu’il traduit à la lettre, et raconte les derniers jours de la vie de Jésus dont les détails sont bien connus d’un très large public, sinon de tout l’auditoire potentiel auquel il s’adresse. Ce cadre strict ne laisse que peu de place à l’originalité. Comment nier, par exemple, l’essence divine du Christ ? L’ensemble de la littérature religieuse, des traductions de la Bible, des Passions en prose ou des textes dramatiques, insiste sur la toute puissance de Dieu, et n’hésite pas à présenter de véritables spectacles miraculeux. Le nom même de Jésus évoque des interventions surnaturelles qu’il est difficile de passer sous silence si l’on prétend, comme Nicolas de Vérone, écrire une Passion.

Mais bien que le poète ne dispose d’aucune liberté quant au contenu de l’histoire qu’il relate, il fait de Jésus le héros d’une chanson de geste et non pas d’un mystère ou d’un texte narratif. Ce choix d’interprétation induit un statut particulier du personnage, à la fois héros épique et Dieu des hommes. Dès lors, la fonction assignée au merveilleux dans la Passion est ambivalente.

Plus que les faits narrés eux-mêmes ou les thèmes représentés, ce sont les procédés stylistiques qui serviront de cadre à cette étude parce que ce sont eux qui permettent de distinguer Nicolas de Vérone des autres représentants de la tradition littéraire des Passions. En effet, l’écriture du poète franco-italien se caractérise par sa brièveté et son laconisme, sa sobriété et le respect de la lettre des Evangiles.