II/ Le merveilleux paien et les autres manifestations du merveilleux

Si la Passion ne laisse que peu de place à la présentation d’un héros divin et si la Prise de Pampelune exclut toute manifestation surnaturelle, il est légitime de chercher à comprendre comment le panthéon antique et les habitudes païennes qui y sont rattachées apparaissent dans la Pharsale. En outre, les trois sources d’inspiration du poète franco-italien amènent à une réflexion sur le merveilleux païen, que ce dernier soit romain ou sarrasin, et ce d’autant plus que la sorcière Erichto, présente dans le texte de Lucain et dans les Fet des Romains,est une figure archétypale de ce que J. Le Goff caractérise comme magicus.

Cette catégorie du surnaturel désigne principalement la magie noire et la sorcellerie, deux arts répandus et connus au Moyen Age. Erichto en est l’incarnation même et jouit d’une grande renommée. Retranscrivant une source contraignante, Nicolas de Vérone se doit de représenter la scène inévitable de la visite de Sextus chez la sorcière.

Mais on peut se demander si l’épisode, à l’instar des miracles de Jésus, est présenté avec la sobriété qui fait l’originalité de la Passion. Le merveillleux chrétien ne participe pas de l’interprétation du martyre du Christ et il peut dès lors être significatif de confronter la présentation de ce surnaturel à celle du magicus et du démoniaque. La comparaison du rôle qui leur est assigné dans les textes de Nicolas de Vérone sera également révélatrice des orientations privilégiées par le poète.

Dans l’œuvre de Nicolas de Vérone, le parallèle entre surnaturel d’origine divine et merveilleux païen est d’autant plus pertinent que les points de passage entre ces deux catégories normalement antagonistes sont nombreux. Dans la Pharsale et la Passion par exemple, les songes, manifestation du mirabilis dont parle J. Le Goff, sont réservés à des personnages non chrétiens.