I/ Le moi et l’autre : les rapports conflictuels entre les hommes

L’univers épique, violent par nature, présente des conflits entre les hommes qui ne peuvent trouver d’issue que par la prise d’arme. Malgré les nuances que l’on peut apporter à l’idée de cette définition générique de l’épopée¹⁰¹⁶, il est significatif que Nicolas de Vérone ait appliqué le même cadre formel à trois textes au sein desquels la thématique de l’affrontement est centrale. Dans cette conception de la chanson de geste, l’altérité est toujours synonyme de rivalité et les relations entre les hommes sont nécessairement conflictuelles¹⁰¹⁷. Le choix du thème épique amène à une certaine présentation stéréotypée des personnages.

La notion même de guerre participe de l’esprit épique tel que le poète franco-italien le conçoit. Cette vision du monde, héritée de l’épopée de croisade, permet de peindre des rapports à l’autre schématiques, simplistes et constants, propres à être mis en valeur par la structure des œuvres composées en laisses monorimes. En effet, le manichéisme idéologique trouve son expression poétique aussi bien dans la présentation des couples épiques que dans une écriture de la binarité et de la symétrie.

Dans ce contexte, la volonté d’anéantir l’ennemi fait partie intégrante des objectifs guerriers parce que l’ennemi n’apparaît pas comme un être doué d’humanité. Au contraire, il n’est envisagé que dans sa fonction narrative d’opposant et il se réduit à un type dépourvu de toute singularisation.