a/ Le couronnement par les anges

Dans tous les textes de la geste du roi, l’empereur est connu pour avoir été sacré par les émissaires divins. Cette cérémonie particulière, évoquée même au sein du cycle de Guillaume d’Orange dans le Couronnement de Louis, participe de la légende de Charlemagne :

‘Lou premier roi que Deus tramist en France
Coronés fut par anuntion d’angles¹³³¹.’

Cet événement fondateur de l’autorité régalienne ne se retrouve pas dans la Prise de Pampelune, pas plus que dans l’Entrée d’Espagne. C’est probablement le fait plutôt du choix des aventures narrées que des circonstances de rédaction des œuvres : ces deux épopées évoquent un temps où Charlemagne est couronné de longue date et il n’est donc pas nécessaire de rappeler les particularités de sa bénédiction. En revanche, les textes franco-italiens Karleto et Berta da li pè grandi se conforment aux exigences légendaires :

‘E cum Damenedé li voir justisier,
Mandò ses angle c’um clama Gabrier
Qe coronò Karlo maino enprimer
De la corone de lo santo enperer¹³³².

E pois cil Karleto fu levà enperer,
Meesmo l’angle li vene encoroner¹³³³.’

Ces épopées relatent l’enfance du roi ainsi que les épisodes qui précèdent son avènement et participent de ce que B. Guidot appelle, au sujet de la geste de Guillaume ou de celle des Lorrains, le « processus de cyclisation »¹³³⁴. L’archange Gabriel, qui intervient en personne auprès des hommes pour consacrer le roi des Francs, rappelle au public italien les origines divines de la monarchie carolingienne. La genèse de l’autorité de l’empereur est ainsi symboliquement représentée dans une scène tout aussi littéraire qu’iconographique¹³³⁵ .