II/ Légitimité interne du pouvoir

La loi politique ne peut être donnée par Dieu ni par ses représentants sur terre parce qu’elle doit être trouvée au sein même du corps politique constitué. Avant 1250, la monarchie garantie par la volonté divine représente la norme du gouvernement, mais à la fin du Moyen Age, les théories d’une administration par le peuple se développent1429, avec une acuité particulière en Italie du Nord.

En effet, le concept d’une citoyenneté participative hérité de la pensée politique aristotélicienne est tout à fait adapté à la politique des villes-Etats indépendantes de la Lombardie et de la Vénétie. Les similitudes entres les poleis grecques dépeintes par Aristote et les cités-républiques italiennes des XIIIe-XIVe siècles sont nombreuses : d’une taille comparable, ces entités entretiennent le même rapport avec le territoire dont elles dépendent et ont des organisations gouvernementales analogues. En outre, elles sont confrontées à des problèmes identiques et c’est pourquoi les conceptions politiques aristotéliciennes sont si facilement adaptées par les penseurs italiens.

La thèse d’un gouvernement populaire, au sens plein du terme, est largement répandue et les fondements théoriques en sont développés par Thomas d’Aquin ou Marsile de Padoue. Les écrits de Bartolo et de Baldo leur fournissent un cadre juridique et légal et le contexte ecclésiologique favorise leur émancipation. Pendant le grand schisme, toute la pensée conciliaire est orientée par une idée de base selon laquelle l’autorité ultime dans la communauté chrétienne réside dans le corps des fidèles tel qu’il est représenté par le concile général de l’Eglise.

Il convient alors de chercher dans l’œuvre de Nicolas de Vérone des échos des diverses réflexions politiques médiévales. Pour ce faire, on peut s’intéresser tout d’abord à la peinture de la royauté et de la monarchie dont le modèle carolingien a été, on l’a vu, ajusté au goût des idées humanistes nouvelles, l’homme ayant remplacé Dieu au centre de tout système de représentation. De la même façon, la vision de la féodalité que donne le poète franco-italien infléchit sensiblement les traditionnels rapports de force entre le meneur et ses hommes. Désormais, la réflexion autour de la notion du pouvoir se décline en des termes nouveaux et se pose du point de vue non de ceux qui gouvernent mais de ceux qui sont gouvernés. C’est dans ce déplacement idéologique majeur que réside la clé de la théorie politique prônée par le poète franco-italien.

Notes
1429.

Voir à ce sujet, J.‑H. Burns, Histoire de la pensée politique médiévale, op. cit ., p. 344-346.