Le monde épique est celui d’un déchaînement de la violence et la volonté d’anéantir l’ennemi anime les guerriers les plus accomplis. Cependant, on a vu de quelle façon les poèmes de Nicolas de Vérone mettent à jour une nouvelle forme de rapport à l’autre, faite de pacifisme et de regard plus nuancé. L’avènement de ce qu’H. Krauss qualifie d’efficacité bourgeoise 2447 et celui de l’utilisation rationnelle du temps amènent à des conflits plus stratégiques qu’impulsifs et la préparation des attaques ne laisse plus rien au hasard.
Cette modération de l’énergie martiale se retrouve dans les rapports de l’individu au groupe. Mais l’idéal humain impose également de se contenir face aux passions. Sur le plan individuel, la prétention à l’impassibilité revient à la domination de ses propres instincts et pulsions.
La sagesse stoïcienne est fondée sur une éthique de l’ascèse et distingue quatre passions fondamentales (la douleur, la crainte, le désir et le plaisir) qui sont envisagées comme des maladies de l’âme et non pas comme un trouble que les dieux mettent au cœur des hommes, comme c’est le cas dans la mythologie grecque primitive2448. De la sorte, « omnes perturbationes judicio censent fieri et opinione. Itaque eas definiunt pressius, ut intellegatur, non modo quam vitiosae, sed etiam quam in nostra sint potestate »2449.
Conformément à cette pensée antique, le trouvère franco-italien propose des portraits contrastés des protagonistes. Les uns se laissent dominer par leur peur ou leur colère alors que les autres parviennent à s’en affranchir.
H. Krauss, Epica feudale e pubblico borghese, op. cit., p. 118.
Cette conception se retrouve jusqu’aux œuvres de Racine.
Cicéron, Tusculanes, IV, 7.