« Ressembler au promontoire contre lequel incessamment se brisent les flots »2615. Cette ambition de Marc Aurèle inaugure une réflexion sur l’attitude que le sage doit adopter face à son destin. Assurément, l’enjeu est majeur puisqu’il s’agir de définir la liberté humaine.
On le sait, les manifestations spectaculaires de la transcendance sont absentes de l’œuvre de Nicolas de Vérone parce que l’intérêt du poète se focalise sur l’humain et le devenir terrestre de ses héros. Ainsi, dans la Prise de Pampelune, la volonté divine de Reconquête, exprimée dans l’Entrée d’Espagne par la triple apparition de saint Jacques à Charlemagne, est devenue volonté des hommes.
Cependant, cela ne remet pas en cause la subordination des personnages aux desseins célestes, qui est un présupposé de la littérature épique, et a fortiori des textes de croisade. Parallèlement, les dieux et Fortune occupent une place essentielle aussi bien dans les Fet des Romains que dans la Pharsale. Dans la Passion, ce sont les Ecritures qui apparaissent comme une force supérieure qui domine et dirige le cours des événements.
L’idée même d’un ordre du monde et d’une subordination de l’homme à des forces qui le dépassent n’est donc pas absente de l’œuvre de Nicolas de Vérone, qu’elle s’exprime par le polythéisme romain, l’avènement du christianisme ou la présence d’un certain panthéisme stoïcien. Ces dernières déclinaisons ont en commun de placer l’individu face à son destin, et c’est bien dans ces circonstances précises que se révèle ou s’infirme son héroïsme.
« Il y a des choses qui dépendent de nous ; il y en a d’autres qui n’en dépendent pas »2616. Cette première sentence du Manuel d’Epictète est le fondement de l’idéal de soumission à l’ordre du monde que l’on retrouve dans les trois poèmes de Nicolas de Vérone. En effet, la problématique de la liberté individuelle ne peut s’entendre sans une définition très précise du destin de l’homme dans le sens où libre arbitre et fatalisme semblent antithétiques.
La superposition de trois univers de référence différents permet à l’auteur de proposer une philosophie globale cohérente du nihil mirari : l’idéal moral proposé s’apparente à une acceptation volontaire et déterminée de tout ce qui ne dépend pas de nous et impose un accueil égal à tout type d’événement extérieur, quelle que soit la façon dont s’exprime la destinée.
Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, IV, 19, p. 77.
Epictète, Manuel, I, 1, p. 207.