Le temps de la synthèse

A la fin d'une carrière professionnelle toute entière dédiée à la pédagogie, le temps est venu pour nous d'une nouvelle synthèse. "Dans toute activité humaine, à tous les âges de la vie, vient régulièrement le temps nécessaire de la synthèse. Les enseignants le savent plus que tous les autres : dans leur métier, les mises au point, les synthèses sont indispensables. Elles rythment la progression, rappellent l'essentiel…" (Meirieu, 2004).

Institutrice débutant dans les turbulences des années 1970, nos débuts se sont déroulés dans une période de turbulences qui ont marqué l'histoire des pratiques pédagogiques scolaires. En réaction aux méthodes dites traditionnelles, le mouvement de l'École Moderne, impulsé par Célestin Freinet, nous compta assez vite dans ses rangs. C'était l'époque des groupes départementaux au sein desquels les jeunes enseignants bénéficiaient de l'expérience des anciens et s'initiaient aux techniques Freinet, médiations didactiques de l'assimilation de la culture, qualifiées d'authentiques. Il n'est pas impossible que le choix de notre objet de recherche remonte à cette époque de notre carrière. "Quittons donc le manuel et laissons vivre nos élèves", exhortait Freineten 1925, poussant les maîtres à concevoir de nouveaux outils pour enseigner. Le retour au conservatisme des années 1980 (Avanzini, 1991), nous atteignit peu, absorbée que nous étions par la classe unique maternelle qui venait de remplacer la classe unique primaire de nos débuts.

Une période nouvelle s'ouvrait pour nous, celle du Certificat d'Aptitude à Enseigner dans les classes d'Application, de l'engagement dans la réflexion didactique au travers des sollicitations des professeurs de l'Ecole Normale puis de l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres, celle de l'intégration dans des équipes de recherches en didactique du français sur l'écrit en maternelle et en didactique des sciences sur le cahier d'expériences. De cette période féconde en échanges et partenariats, sont nés quelques ouvrages sur l'enseignement des sciences à l'école maternelle (Dumont & Villard, 1993, 1995), la préparation de la classe (Villard, 2001, 2005, 2008) et les apprentissages progressifs de l'écrit sous la direction de Mireille Brigaudiot (PROG, 2000). Le grand élan créé localement par l'opération La Main à la pâte à partir de 1996 nous conduisit à reconsidérer la place du cahier d'expériences dans un enseignement rénové des sciences à l'école primaire et à partager cet intérêt avec les enseignants de la circonscription dans laquelle nous avons travaillé jusqu'en juin 2008. Ce que nous avons pu observer chez certains enseignants à ce moment-là, ce n'est pas tant "l’influence d’un simple apport de connaissances spécifiques à une pratique, mais bien une véritable formation entraînant un développement global de capacités et de compétences auparavant mises en veille" (Chignol, 2007). Depuis lors, nous n'avons cessé de nous intéresser aux pratiques liées au cahier de sciences et à leurs effets sur le développement des élèves et des maîtres.