1.2 Un grand passage

Le système scolaire français s'est construit historiquement selon cinq strates institutionnelles correspondants à cinq "âges scolaires" : l'âge de l'école maternelle, l'âge de l'école élémentaire, l'âge du collège, l'âge du lycée et l'âge de l'université. A chaque strate institutionnelle, ses territoires, ses localisations, son type de bâtiments, ses règles de vie, ses contenus sociaux et scolaires. Bien que l'école élémentaire soit officiellement pensée en continuité avec l'école maternelle au sein de l'école primaire, le passage d'une école à l'autre se transforme en rupture anxiogène pour l'enfant et ses proches. L'imaginaire des enfants est peuplé d'idées plus ou moins confuses, associant la demande sociale à une sorte de souffrance : "Tu sais, quand je serai au CP, ça va être dur. Faut apprendre à lire, tout ça !..." En même temps, l'enfant qui prononce ces mots ne voudrait en aucun rester à l'école maternelle. Il faut passer au Cours Préparatoire, devenir grand et apprendre à lire comme les autres. Comme dans tout rite initiatique, les postulants au changement demandent à subir "la souffrance rituelle", condition de l'intégration dans le nouveau statut. L'enfant appréhende son entrée au Cours Préparatoire, inquiet de ne pas savoir vraiment ce qui l'attend. Les adultes qui entourent les enfants renforcent le sentiment d'incertitude : "Tu verras quand tu seras à la grande école ! Tu vas bien être obligé de te tenir tranquille !" Le témoignage de la maman de R. qui est Cours Préparatoire depuis cinq mois est éloquent (Annexe 1). Cette maman y confie ses angoisses devant les enjeux et les changements auxquels se trouve confronté son enfant. Le grand passage au Cours Préparatoire est l'affaire de tous. "Le rôle des parents et des enseignants est solidaire et complémentaire : accompagner les petites personnes dans leurs conquêtes progressives." (Zazzo, 1986 : XV)