2.1.2 Cahiers et fichiers d'activités au temps des disciplines d'éveil et après

2.1.2.1 Le cahier de sciences vu par Freinet

Le régime didactique liant leçon-manuel / exercices-cahier a été miné de l’intérieur dans le milieu du XXe siècle par le militantisme pédagogique impulsé par Célestin Freinet et les formateurs qui ont promu la préparation pédagogique. Freinet substitue au couple leçon-manuel / exercices-cahier des activités scolaires à vocation sociales. Pour apprendre les sciences, les élèves deviennent chercheurs, réalisent des exposés et des expositions, créent et diffusent un journal. Freinet laisse la parole et l’action aux enfants de manière à leur permettre de produire ce qui leur est habituellement donné. Les modèles didactiques tendent à développer et construire des attitudes plutôt que des informations ; ils réservent une place plus grande à ce qui ne peut pas se formaliser, à la découverte de notions. Le cahier n’est plus seulement le dépositaire des exercices, des entraînements, réitérations ou "ressassements" (Hébrard, 1999). Il est le dépositaire de la pensée en marche de l’élève. Pour Freinet, lecahier de sciences est un cahier collectif élaboré par étapes successives, imprimé et illustré dans la classe à l’aide des techniques de l’imprimerie et du limographe.

Comme pour les cahiers de roulements auxquels nous avons eu l'occasion de contribuer dans les réseaux de l'Ecole Moderne, le cahier de sciences est une somme de témoignages et d'expériences individuelles mutualisées et publiées. Le cahier est appelé tantôt cahier de sciences, tantôt cahier d'observation. Dans les contributions, les auteurs sont identifiés : Expérience de Roger Gay, André a fait flotter une aiguille sur l’eau. L'emploi du je et les récits qui contextualisent les expériences signent l'implication de chaque enfant.

Le cahier de sciences souvent présenté sous forme de livret fait l'objet d'attention et de soin en vue de sa diffusion au-delà de la classe, dans les familles et le village. Il est intégré dans les échanges au sein de la correspondance scolaire ou dans la constitution de fonds documentaires dans les classes. De ces productions issues des classes, sont tirés plusieurs types d'outils coopératifs : des fiches techniques d'aide à la mise en place de recherches dans les classes du réseau des écoles Freinet et des documents pour les Bibliothèque de Travail.

La plus grande difficulté est de tirer les conclusions, s'inquiète Freinet. Il faut faire une foule d'expériences et de recoupements pour pouvoir conclure. Et que fait le maître dans tout ceci ? dit-il encore. "Il cherche avec les élèves, il guide, il a l'esprit éveillé à l'expérience et non au verbe. Il évite d'intervenir pour faire pénétrer sa vérité dans l'enfant." Freinet (1962 : 60). L'enseignant motive et socialise l'expérience de l'enfant. La publication des écrits est un vecteur essentiel dans les principes de l'Ecole Moderne. En 1962, Freinet alerte : "la méthode naturelle de sciences parvient difficilement à s'insérer dans le processus normal de nos classes parce qu'elle suppose une reconsidération radicale des outils et des techniques de cet enseignement."