4.4.3 Catégoriser

Au quotidien, les élèves de Cours Préparatoire produisent des écrits qui relèvent de la lecture, de l'écriture, des mathématiques ou de la découverte du monde. Etablissent-ils les relations entre les différentes sortes d'écrits qu'ils produisent chaque jour, séance après séance ? Connaissent-ils les critères qui distinguent les activités de production d'écrits dans le cahier de français de ceux du cahier de découverte du monde ? Etablissent-ils des relations entre ces écrits et les champs disciplinaires auxquels ils se rapportent ? Les opérations d'indexation et de recherche d'information ne sont réussies que s'il y a création de catégories de pensées correspondant aux concepts caractéristiques du domaine de la découverte du monde et de ses objets de savoir.

Catégoriser n'est ni équivalent, ni suffisant pour conceptualiser. Mais catégoriser est une des fonctions de la conceptualisation. Ce processus cognitif consiste à regrouper des objets ou des idées selon des critères décrivant leurs caractéristiques communes ou en établissant des relations entre les objets d'un même groupe. La catégorisation s'impose dès qu’il s’agit de trier et classer une quantité d'écrits entrant dans des supports particuliers. Chez les experts, cette activité se pratique de façon implicite sur un mode quasi naturel. Elle nécessite un entraînement chez les élèves de six ans qui doivent acquérir cette capacité nécessaire lors de toutes les tâches cognitives.

Selon Piaget, l'enfant du Cours Préparatoire est un enfant dont la pensée préopératoire et intuitive est sur le chemin de la pensée logique ; les processus de catégorisation évoluent progressivement avec le développement du sujet, passant des associations de type analogiques des caractéristiques ou attributs, à des processus régis par les principes de la logique. Les premières règles sont créées par l’individu sur la base du relèvement d’une seule caractéristique commune à plusieurs objets : un objet fait partie d’une catégorie uniquement par le fait de posséder la caractéristique spécifique déterminée et abstraite, tandis que toutes les autres caractéristiques sont ignorées. Avec le développement de la pensée opératoire concrète, les règles se définissent progressivement par la présence d’attributs déterminés qui établissent les critères d’inclusion et d’exclusion des événements. Ces attributs sont déterminés à la fin d’une série de processus cognitifs de discrimination, d’analyse, d’abstraction.

Le cadre théorique que nous venons d'établir pour lancer l'étude exploratoire du cahier de sciences, conforte l'hypothèse selon laquelle l'efficience des ingénieries pédagogiques intégrant l'usage d'un cahier de sciences dépend des connaissances qu'ont les enseignants de la matière à enseigner, des fonctions qu'ils assignent au cahier comme outil et comme instrument et des caractéristiques matérielles qu'ils lui donnent en fonction de ce qu'ils savent de leurs élèves.

Cette hypothèse générale se décline en quatre sous hypothèses :

  1. Le cahier de sciences est un médiateur, un outil d'accompagnement de l'apprenant, un outil passerelle pour les enseignants, qui participe à la consolidation des liens d'appartenance des sujets à leur communautés ;
  2. Le cahier de sciences est un outil organisateur des écrits scientifiques produits par les élèves quand ils sont en classe de sciences. Il est une mémoire et une preuve de ce qui a été fait et proposé à l'apprentissage. Le cahier de sciences est une forme matérielle et symbolique qui renvoie à la structure et aux contenus des savoirs du domaine disciplinaire de référence. Il sert d'outil de référence.
  3. A la fin de l'année de Cours Préparatoire, les élèves se souviennent de ce qu'ils ont appris avec et sur leur cahier. Ils ont construit des concepts et des schèmes ainsi que la maitrise des représentations langagières et symboliques qui les représentent et les soutiennent. Ils s'approprient leur cahier comme instrument.
  4. Dans les opérations de catalogage des écrits des sciences, d'indexation et de recherche d'information instrumentées avec le cahier, les acteurs produisent des conduites de référencement qui nécessitent l'élaboration et la mobilisation de schèmes, de concepts et de représentations symboliques spécifiques. L'usage d'un cahier de sciences dans la durée facilite la conceptualisation dans des processus d'instrumentation et d'instrumentalisation.