7.3.3 Les "mots à eux" des élèves

Parmi les cahiers recueillis, les dessins personnels sont largement présents, plus de 6 en moyenne par cahier, mais les "mots à eux" des élèves sont rares. Nous en avons relevé deux cas : Les "mots à eux" collectifs qui sont de loin les plus nombreux. Les comptes rendus collectifs, descriptions et synthèses racontent les expériences, dévoilent les impressions des élèves et nous font partager leurs commentaires (figures précédentes). Le pronom nous est souvent utilisé. Mais dans certains textes, les pronoms de la troisième personne indiquent une mise à distance de l'objet. Les textes sont d'abord négociés à l’oral avant d’être transformés en écrits inscriptibles dans le cahier individuel et transmissibles aux familles. Cet entraînement collectif à un écrit de distanciation participe à l'apprentissage scientifique.

Les "mots à eux" individuels sont plus rares. "J’ai planté des bulbes dans des jardinières" exprime ce que Philippe conserve de l'expérience qu'il vient de vivre. "Le 23 janvier, j’ai 22 dents. Je dessine mes dents." exprime ce que Colline sait de ses dents à un moment donné de sa vie. L'emploi du "je" situe le sujet et l'objet dans l'action. Comme l'écrit Elisabeth Bautier (1998 : 12), il nous faut distinguer un récit en "moi", porteur d'affects et "d'expériences vives" d'un texte en "je" posé comme une instance dépersonnalisée. Pour un enfant de cours préparatoire, le second cas de figure représente une difficulté psychologique et métacognitive. A cet âge là, l'enfant a une relation à l'expérience affective, habitée par l'émotion, faiblement porteuse d'apprentissage. C'est ce qui distingue le texte de Philippe et celui de Colline qui montre une prise de distance par rapport au "moi" émotionnel. Le "je" dépersonnalisé ouvre la porte à l'apprentissage (Chevallard, 1985).