C- Problématiques et hypothèses

De nombreux discours essaient d’expliciter, d’analyser, les conséquences somatiques, sociales, psychiques, de l’exclusion pour donner sens à cette « verrue sociale » qui gène lecorps social.

J’ai choisi de me situer, ni en amont, ni en aval, c'est-à-dire ni dans l’analyse causale ou somato-psychique, mais dans l’analyse des représentations psychiques inconscientes de l’argent pour les sujets percevants le Revenu minimum d’insertion.

Quel est le contenu de l’échange quand les sujets sont dans une demande par rapport à l’institution ? Que donne l’institution dans cet échange ? Autant de questions qui ont traversé ma pratique dans le cadre des entretiens de soutien psychologique, ainsi que dans les nombreuses réunions partenariales, où se posaient d’une manière récurrente le rôle du travailleur social, et de l’institution dans le cadre de l’insertion sociale.

Le choix de ce sujet m’est apparu délicat, car les résultats de cette recherche peuvent induire l’idée de causes psychiques de la pauvreté, excluant le contexte économique, et sociologique dans lequel les enjeux psychiques se déploient. Si cela était le cas, nous assisterions alors à un clivage de la pensée, clivage inducteur d’une exclusion qui signerait le paradoxe de cette recherche.

Je tiens donc à préciser, qu’il s’agit bien d’expliciter les enjeux de l’échange entre certains allocataires au Rmi, et l’institution sociale dont ils dépendent, dans le contexte socio économique contemporain et historique.

Le choix de traiter de l’échange, entre le sujet au Revenu minimum d’insertion et l’institution sociale, à travers l’objet argent, s’enracine dans ma pratique où l’objet argent est l’objet du premier lien entre le sujet et l’institution, avant que n’intervienne le projet d’insertion du sujet.

Le traitement clinique de l’insertion sociale des sujets percevant le Revenu minimum d’insertion, est traité par l’analyse même de cet échange, et de la valeur accordée à l’objet argent par l’allocataire. Cet angle d’analyse m’est apparu important car il permet de se saisir des enjeux psychiques inconscients qui font que certains allocataires se chronicisent dans le dispositif du revenu minimum d’insertion, alors que par ailleurs ils ont des compétences intellectuelles, des savoir-faire, qui sur le plan matériel leurs permettraient de vivre mieux.

D’autres allocataires vivant avec le Revenu minimum d’insertion arrivent à faire des économies ce qui leur permet de rester eux aussi au Revenu minimum car leurs conditions matérielles n’est pas vécu comme difficile. D’autres dépensent leursallocations totalement, et sont souvent demandeurs d’aides auprès des services sociaux.

Il fallait donc que je passe par d’autres voies, que j’ouvre des pistes de réflexion, pour que la théorie puisse élaborer ce qui m’interpellait.

Il ne s’agit pas de traiter de l’échec des sujets mais de comprendre en quoi le dispositif du revenu minimum d’insertion, c’est à dire l’institution qui la représente, va réactualiser certains phénomènes psychiques et d’analyser les conséquences de cette réactualisation.

Ces ruptures sont-elles mises en scène sur la scène sociale par le biais du lien de dépendance à l’institution, laissant ainsi apparaître la compulsion de répétition à l’œuvre ?

Notre problématique s’est constituée par rapport à toutes ces questions auxquelles nous n’avions pas de réponse, et qui interrogeait le sens de notre pratique.