Psychologie des foules et Analyse du Moi

Freud stipule qu’il n’y a pas d’opposition stricte entre la psychologie individuelle et la psychologie des foules.

Dans cet ouvrage il considère que :

‘« La psychologie des foules traite donc de l’homme isolé, en tant que membre d’une lignée, d’un peuple, d’une caste, d’une classe, d’une institution ou en tant que partie d’un agrégat humain qui s’organise en foule pour un temps donné, dans un but déterminé. »14

Il marque ici les prémices de ce qui sera développé dans l’analyse institutionnelle, familiale et groupale.

Sa question princeps est d’expliciter les processus inhérents à la transformation psychique
du sujet dans la foule.  Pour cela, il va s’appuyer sur l’analyse de deux foules instituées : L’église et l’armée. Il nous enseigne que, dans ces deux foules, le sujet est lié libidinalement au meneur ainsi qu’aux autres individus appartenant à ces foules. Il y a une identification entre les membres de la foule, identification qui repose sur « une communauté affective » qui est le lien au meneur, qui :

‘ « Ont mis un seul et même objet à la place de leur idéal du moi et se sont en conséquence, dans leur moi, identifiés les uns les autres. »15

Freud nous parle ici d’échange, d’un échange d’une instance psychique contre un objet, objet incarné par la figure du meneur.

Il revient dans ce texte sur la notion de sentiment social qu’il avait déjà abordé dans « Totem et Tabou » en le faisant reposer sur le retournement d’un lien hostile « en un lien à caractère positif », retournement qui s’effectue grâce au « lien collectif de tendresse avec une personne située en dehors de la foule. » (p.187) Il poursuit sur l’exigence d’égalité qui n’est possible qu’à deux conditions : que les égaux puissent s’identifier entre eux parce qu’un seul être est supérieur à tous. Freud étaye sa position en parlant d’un amour égal du meneur pour les membres de la foule. Il se situe ici sur un plan libidinal, en d’autres termes, l’exigence d’égalité est basée sur le lien libidinal.

Dans son analyse, Freud nous fait part d’une intuition qui sera par la suite développée par d’autres auteurs plus contemporains quand il énonce :

‘ « Chaque individu pris isolément est une partie constitutive de différentes foules, lié par identification de différents côtés, et a édifié son idéal du moi selon les modèles les plus divers. Chaque individu pris isolément participe donc de plusieurs âmes des foules, âme de sa race, de sa classe, de sa communauté de foi, de son Etat, etc. , et peut par surcroît accéder à une parcelle d’autonomie et d’originalité. »16

Il énonce ainsi l’appartenance des sujets à différents groupes et l’originalité de chaque sujet dans la constitution de son individualité, ainsi que les influences nécessaires à l’élaboration de l’idéal du moi.

Notes
14.

Freud S, ibidem, p. 124

15.

Freud S, ibidem, p.181

16.

Freud S, ibidem, p. 198