C- L’argent

La genèse de la monnaie dans le groupe social

La monnaie est apparue en Asie Mineure occidentale au début du V siècle avant JC ; le royaume de Lydie était la puissance dominante, et avait à sa tête le roi Alyattés, père de Crésus.

Jusqu’à cette date les hommes utilisaient différents moyens d’évaluation et d’échange : lingots de métal brut, objets métalliques, animaux, grains de céréales. Ce qui caractérise tous ces moyens d’échange est le caractère impersonnel, anonyme, c’est-à-dire qu’aucun des lingots ou objets métalliques ne portait une marque d’origine.

La question que pose G. Le Rider, dans son ouvrage « La naissance de la monnaie », est le pourquoi de l’abandon de la monnaie anonyme, qui était souvent faite de morceaux de métal irréguliers au profit de la monnaie signée et frappée ? Pour cet auteur, la raison principale est le profit fiscal recherché par l’état. En effet, la frappe de la monnaie apportait à l’état plusieurs types de profits fiscaux :

‘« Au moment de la mise en circulation des espèces, la valeur nominale fixée par l’état à la monnaie était en général supérieur à la valeur intrinsèque. »’ ‘« Quand l’Etat décidait que seul son numéraire avait cours sur son territoire, ce qui paraît avoir été une situation fréquente, les marchands qui arrivaient avec de la monnaie étrangère devaient l’échanger contre des espèces locales. Ils payaient une taxe au change, qui apportait une recette à l’état. »’ ‘« L’Etat pouvait en outre, à l’intérieur de ses frontières, se livrer à des manipulations monétaires qui lui procuraient, dans une conjoncture difficile, les ressources dont il avait besoin. »34

Pour pouvoir tirer profit de la monnaie, l’Etat devait donc être le détenteur de la monnaie, en y apposant sa marque de propriété ; la monnaie a pris alors un nouveau statut, elle était devenue le fait de la puissance étatique. Une autre raison de l’établissement de l’institution monétaire « est un des aspects de la régulation des structures internes de la société de l’époque. » Cette analyse se fonde sur la parenté sémantique qui existe en Grèce entre nomos la loi, et nomisma la monnaie. C’est pourquoi, deux aspects sont à prendre en compte dans la création de la monnaie frappée, le profit fiscal fait par l’Etat et la diffusion d’un message politique, car en imprimant son emblème sur des pièces de monnaie, la puissance souveraine affirmait sa puissance et son statut politique.

G. Le Rider cite O. Picard pour qui :

‘« Seul peut frapper monnaie un groupe social qui a la faculté de promulguer ses lois, qui est ce que les Grecs appelaient autonomos. »35

Le lien entre autonomie et monnaie ne fait sans aucun doute selon Le Rider. 

A travers, cette genèse de la monnaie signée, nous constatons le lien étroit entre loi et monnaie, c’est à dire que l’apparition de la nomination de l’objet monnaie est articulée à la loi sociale, comme l’argent est pour le sujet en lien d’équivalence symbolique avec ce qui fait tiers.

Cette concordance des fonctions de la monnaie signée, par rapport au groupe social et au sujet, laisse augurer le devenir des ratés du processus transformationnel dans le cadre de l’équivalence symbolique de l’objet argent. Le développement de notre recherche nous permettra d’entendre ces ratés et de leur donner sens quand nous traiterons de la valeur psychique qu’a l’argent pour certains sujets dans le chapitre : mise en travail de nos hypothèses.

Notes
34.

Le Rider G, La naissance de la monnaie, p.80

35.

Le Rider G, ibidem, p.240