L’argent dans les sciences sociales.

Dans "La philosophie de l'argent », G.Simmel met en évidence l'utilisation de l'argent avec divers aspects de l'évolution de la société: les relations avec le phénomène économique de l'échange, de la valeur, et aussi l'argent dans les séries téologiques, le style de vie, et l'équivalent monétaire des valeurs personnelles.

Nous allons porter notre attention sur ce qu’écrit G. Simmel à propos de la valeur de l'argent :

‘"Le rôle qui consiste à se tenir au-dessus de tous les produits particuliers, en tant qu'instance intermédiaire absolue, n'est rempli par l'argent que lorsque son monnayage l'a élevé au-delà du simple quantum de métal- sans parler des formes de monnaie plus proches de la nature. Cette abstraction du processus d'échange à partir des échanges réels, particuliers, et son incarnation dans une forme objective spéciale, ne peut intervenir que lorsque l'échange est devenu quelque chose d'autre qu'une affaire privée entre deux individus, totalement limitée par les actions et réactions individuelles de ceux -ci. ... Là dessus se fonde le noyau de vérité contenu dans la théorie selon laquelle tout argent n'est qu'une assignation sur la société; il apparaît comme une lettre de change sur laquelle le nom de l'intéressé n'est pas porté, ou bien sur laquelle le sceau de l'émetteur tient lieu d'acceptation. » 41

Cet auteur développe l'idée que l'argent en tant qu'objet de métal n'est objet d'échange qu'à partir du moment où il est tiers dans l'échange, tiers qui correspond à l'ensemble du corps social. Cette analyse nous évoque la fonction tiers qu'a l'argent dans l'inconscient du sujet, et dans l'échange avec l'autre. Ce parallèle entre la fonction sociale du tiers et le tiers de l'inconscient met en exergue les liens entre le social et le psychique, et ses confusions comme nous le verrons dans notre analyse où la fonction sociale du tiers est pour le sujet du coté de l’archaïque. Il n’est plus objet de pacification dans la relation d’échange, c'est-à-dire cette « instance intermédiaire absolue » dont parle Simmel qui permet que, la transaction entre deux individus, devienne un échange en tant que tel c'est-à-dire un échange où l’objet argent représente une valeur référente qui ne peut être remis en cause.

A travers ces différents points de vue sur l’argent, sur ce qu’il représente dans l’échange, force est de constater qu’il est cet objet saturé de sens, et qu’il s’inscrit dans des registres psychiques particuliers selon l’histoire subjective du sujet. Toutefois, force est de constater aussi, qu’il est cet objet appréhendé dans sa radicalité même ou dans son aspect protéiforme ; en d’autres termes, c’est à partir des ratés de l’échange, du manque qu’il donne à voir qu’il nous est signifié une dimension de l’objet.

Cette approche de l’argent ne permet pas de le penser dans ses liens avec le manque de l’autre, et ne permet pas non plus de penser l’échange autrement que sur le modèle de la relation duelle qui sous-tend une conception de la relation d’objet singulière.

Notes
41.

Simmel G., Philosophie de l'argent, p.194