Analyse de A. Caillé

Nous allons nous intéresser à ce que démontre A.Caillé à propos du don, dans son livre : « Don, intérêt et désintéressement ». Il distingue deux formes de don lié à deux formes de socialité.

Le don primaire « scelle l’alliance entre les personnes », il régit la sphère de la socialité primaire :

‘« Cette sphère de l’existence sociale dans laquelle les relations entre les personnes prennent le pas sur les relations entre les fonctions et qui structure notamment les domaines de la famille, de l’amitié et du voisinage. »70

Le don secondaire :

‘« Le don qui unit des personnes déjà liées ensemble par la nécessité d’accomplir des tâches fonctionnelles d’une part, et le don massifié, impersonnel et anonyme d’autre part. »71

Il régit la sphère de la socialité secondaire qui se situe dans le monde de l’entreprise, de l’économique, du politique ; il produit des liens de type salarial, de type d’échange marchand.

A. Caillé précise que le don secondaire ne peut rester efficace que parce qu’il s’ancre sur le don primaire, et que le monde du don archaïque défini par Mauss, n’a pas disparu de nos sociétés, même s’il apparaît sous une forme modifiée.

Cette distinction étant faite, A. Caillé définit ainsi le don : 

‘« Qualifions de don toute prestation de bien ou de service effectuée, sans garantie de retour, en vue de créer, nourrir ou recréer le lien social entre les personnes. »72

A. Caillé insiste dans cette définition sur la priorité du don qui est :

‘ « D’offrir sans attendre de retour déterminé… Ne pas attendre de retour déterminé ne signifie pas ne rien attendre du tout, agir sans motivation et sans visée…C’est simplement, pour parler comme Jacques Derrida, accepter une différence. S’exposer à la possibilité que ce qui revient diffère de ce qui est parti, revienne à une échéance inconnue, peut-être jamais, soit donné en retour par d’autres que ceux qui avaient reçu ou ne fasse pas retour du tout. »73

La possibilité de la non réciprocité caractérise la définition du don par A.Caillé.

La distinction entre le don et l’échange s’éclaire au vu de l’analyse sociologique de ces différents auteurs, néanmoins la question de l’altération du don, c’est à dire non pas de l’objet donné, mais de ce qu’il représente pour celui qui le reçoit n’a pas été questionné sur le plan clinique.

Si nous articulons l’analyse psychologique à ce qui vient d'être énoncé nous posons la question : que se passe t-il si dans le cadre de la relation anale l’objet fèces posé comme premier cadeau de l’enfant vis-à-vis de la mère, ne s’inscrit pas une relation de don car l’enfant répondrait à une demande de la mère ?

L’enfant ne s’inscrirait-il pas dans une relation d’échange où prévaudrait attente d’un retour ?

Par ailleurs, le bénéficiaire du Rmi ne vit-il pas une situation asymétrique car l’institution lui donne de l’argent parce qu’il est pauvre, et en même temps lui demande de s’insérer, c'est-à-dire de se situer dans un espace déterminé.S’agit-il ici d’un échange de type d’une socialité secondaire où d’une socialité primaire ?

Notes
70.

Caillé A, Don, intérêt et désintéressement, p.233

71.

Caillé A, Don, intérêt et désintéressement, p.233

72.

Caillé A, ibidem, p. 236

73.

Caillé A., ibidem, p. 238