A- Paul

Paul a été suivi, en entretien de soutien psychologique, sur une période de six mois. Les entretiens, qui auraient dû se dérouler, à raison d’un entretien tous les quinze jours, n’ont pas suivi le rythme que le cadre supposait.

En effet, Paul s’est absenté à plusieurs reprises. Il m’informait par avance de ses absences, ce qui décalait le rythme des entretiens. Le motif de ces absences : des séjours chez des amis ou dans sa famille.

Je n’étais jamais prise au dépourvucar j’étais prévenue par avance de ses absences.

Paul effractait le cadre dans sa temporalité, il y injectait sa propre temporalité psychique. J’ai accepté cette discontinuité temporelle, car j’avais le sentiment, que c’était la seule façon pour Paul de poursuivre le travail de soutien psychologique.

Il n’était pas simple de vivre cette situation, qui impliquait que le dispositif de l’entretien soit modifié par le sujet. Dans l’après coup, j’ai réalisé que Paul apportait son propre cadre interne. C’était comme le signifie Bleger : la partie la plus régressive, la plus psychotique de lui-même qu’il déposait.

Avoir accepté le cadre interne de Paul, cela signifiait s’adapter à sa propre rythmicité temporelle, c’est à dire à ses présences et à ses absences.

J’étais là quand il l’avait décidé, absente quand il l’avait décidé. Paul mettait en scène par l’agir la satisfaction hallucinatoire du désir.

Paul a été retenu pour cette recherche parce que son parcours de vie m’est apparu paradigmatique de mon objet de recherche.

En effet, les problématiques liées à l’argent ont traversé son histoire, bien avant qu’il ne soit au Rmi.

Au-delà de ce qui vient d’être dit, le choix de parler de Paul est sous tendu par l’aspect contre transférentiel. En effet, inconsciemment, j’étais émue et séduite, par cet homme qui ne manquait pas de charme.

Au niveau social, Paul était issu de la classe moyenne. Il n’avait pas été élevé dans un milieu familial pauvre, même si l’argent, a été l’objet de manque dans son éducation.

Paul est un jeune homme de trente ans ; il est l’avant dernier d’une famille de six enfants.

Ses parents divorcèrent quand il avait deux ans et demi.

Son père était technicien en agriculture et sa mère était femme au foyer.

Il arrête ses études en première alors, qu’il est selon lui : « un élève normal. »  Il décide de s’inscrire aux beaux-arts mais il n’y restera qu’un an.

A dix-huit ans, il quitte la maison familiale, pour travailler comme animateur, dans une association.  Il y sera embauché en ayant au début un contrat d’emploi solidarité, c’est-à-dire un emploi très peu rémunéré, contrat qui durera deux ans et qui sera remplacé par deux contrats à durée déterminée.

Durant ces quatre années, Paul passera un Cap de photographe. Il quitte son emploi pour aller travailler dans le secteur audio-visuel dans une école du cirque, école qui se trouve à l’étranger. C’est, dit-il « à cause d’une rupture affective » qu’il pris ce nouveau travail.

Parallèlement à ce nouveau poste, il exposera ses tableaux ainsi que ses sculptures.

Il restera là aussi quatre ans, en ayant interrompu son contrat pour « mésentente avec ses collègues » et aussi à cause d’une rupture affective.

N’ayant plus de travail, Paul décide de revenir vivre dans la maison familiale c’est-à-dire chez sa mère. N’ayant plus de moyen de subsistance il demande le Rmi.

Au moment de notre rencontre avec Paul, j’apprends qu’il partage son domicile entre la maison familiale, et celui de sa nouvelle compagne, rencontrée depuis peu, femme divorcée, ayant un enfant à charge de trois ans.