L’absence de l’autre

Paul reparlera de l’alcool à propos du travail, et dit : « quand je suis occupé je bois moins. »

Par l’acte moteur, Paul arrivait à moins consommer de l’alcool, mais il avait besoin de s’appuyer sur la réalité externe pour diminuer sa dépendance,  autrement dit, la dépendance au produit est dépendante du manque intérieur. Pour pallier le manque psychique, il lui était nécessaire de vivre le manque physique. La problématique du lien, où l’autre est toujours à incorporer, par défaillance de la capacité introjective, prend ici toute sa dimension.

En interrogeant Paul sur ses ascendants paternels et maternels, nous apprenons qu’après la naissance de sa mère était née une fille qui mourra à la naissance ; cet enfant fut nommée dans la famille : « le trésor », elle était : « la plus belle, la plus intelligente. »

Tout en écoutant Paul, je me demandais comment un nourrisson qui n’avait pas pu vivre, pouvait avoir été à ce point investi, pour hériter de qualités inégalables. Etait-ce pour la famille une manière de ne pas éprouver cette mort en magnifiant l’enfant ?

Paul ne faisait que répéter le discours maternel, discours qui d’une certaine manière, mythifiait la mort. Autrement dit, la mère de Paul, à travers ce processus de mythification maintenait l’objet sœur morte née idéalisé, objet maintenu dans une naissance, où la mort et la naissance sont psychiquement confondus, pour ainsi éviter d’élaborer un deuil, où effectivement la vie et la mort cohabitent presque dans le temps. Devant ce qui est de l’ordre de l’insupportable, parce qu’en donnant la vie, on donne la mort, l’idéalisation est venue se mettre en place, pour maintenir l’objet dans une absence.

Je constate dans l’après-coup, que la mère de Paul l’avait surnommé « l’absent », est-ce à dire qu’il représentait pour elle, inconsciemment, cette sœur dont l’absence n’avait pu être intégrée car synonyme de mort. ? Aujourd’hui, il apparaît que ce n’est pas Paul qui représente la sœur morte, mais la nomination «l’absent » qui présentifie cette sœur, qui n’a pu être représentée dans la psyché maternelle. Autrement dit, la mère a présentifié l’absence en surnommant son fils, ce qui lui permettait de maintenir la mort et la vie dans la confusion.

Je reviendrais sur ce point dans l’analyse thématique car il est un point nodal dans notre recherche.