La mort du père

Paul parlera de la mort de son père en racontant comment il a appris sa mort : « j’étais assis à table avec ma mère qui m’a dit d’un coup, en buvant le thé : ton père est mort. Après l’enterrement, j’ai fugué, je suis resté deux jours sur le toit de la maison à regarder tout ce qui se passait. »

J’écoutais Paul, et je m’imaginais ce petit garçon qui apprenait sans ménagement la mort de son père.  Tel un animal il avait lui aussi disparu, pour observer de haut ce qu’il ne pouvait supporter sur terre. Au niveau contre transférentiel, j’étais dans l’émotion, dans une sorte de collage avec l’histoire de Paul car elle me renvoyait à ma propre histoire, où la mort de l’autre n’avait pas été comprise, car elle avait été brutale.

Paul avait déposé cet évènement dans le cadre de l’entretien, comme on dépose un objet trop lourd à porter ; il n’arrivait pas psychiquement à entendre sa fugue où pendant deux jours tout le monde le cherchait, il n’élaborait pas le sens de son acte.

Il avait raconté cette scène, comme pour me prendre à témoin du comportement de sa mère, il cherchait une alliée, ce qui lui évitait de penser par lui-même, et donc de maintenir avec sa mère une relation d’objet indifférenciée dont le père était exclu. Paul n’avait pu psychiquement faire le deuil de son père, car ce père n’avait jamais eu sa place en tant que tel. L’annonce brutale de sa mort a confronté Paul à une réalité où apparaît le vide, et non la disparition.  Paul s’est trouvé psychiquement confronté au vide de la représentation paternelle, vide traumatique, car la réalité de la mort est devenue présence d’un cadavre.