Le couple de Paul

Paul évoquera le couple formé avec sa compagne, et son ex-mari en le comparant avec le couple formé par ses parents, il considérait qu’il jouait un rôle réparateur dans ce couple, dont l’enfant a le même âge que Paul, quand les parents de Paul divorcèrent.

A travers son énonciation, Paul condense et la question du couple, et la question de sa place dans le couple parental au moment du divorce En effet, comment Paul pouvait-il penser qu’il réparait le couple formé par sa compagne et son ex mari, alors que lui-même avait une relation avec cette même femme.

Dans la réalité psychique, Paul était fantasmatiquement resté au milieu du couple parental, entre les deux, il ne pouvait pas psychiquement se situer à côté, car le divorce est venu certifier ce qu’il n’arrivait pas à relier. Il était psychiquement, l’enfant de ce couple, tout en étant dans la réalité, le nouveau compagnon de cette femme. Il apparaît, sur le plan fantasmatique, que Paul, essayait d’élaborer la question de la scène primitive tout en étant dans une position psychique incestueuse, position qui ne lui permet pas de relier les deux du couple, et de pouvoir ainsi trouver sa place, et son appartenance.

Au cours du dernier entretien, j’apprends que Paul revit avec sa compagne, compagne qui a quittée la Provence et qu’il allait rejoindre ;  c’est le départ de Paul qui mettra fin aux entretiens.

Paul apparaissait content de déménager, tout en disant qu’il lui fallait maintenant gagner de l’argent pour passer son permis, et qu’il désirait faire valider son expérience professionnelle pour postuler à des postes dans l’animation. Il précisa, néanmoins, que le fait d’accomplir une tâche dans un cadre professionnel était vécue comme une contrainte, et comme quelque chose qui le limitait. Il avait le sentiment d’étouffer, de ne pas avoir d’espace de liberté. Tout en écoutant les paroles prononcées par le sujet, je me disais qu’il interrompait les entretiens en partant ailleurs. D’une certaine manière, là aussi il s’absentait, il utilisait la réalité externe pour ne pas poursuivre un travail psychique sous tendu par un cadre, cadre qu’il a dû fuir. Présence, absence de Paul caractéristique de ce qui s’apparentait à un comportement d’état limite.

Il reparlera de sa mère en redisant qu’elle : « avait toujours vécu grâce aux allocations familiales, et qu’aujourd’hui elle était au Rmi.

La mère et le fils étaient tous les deux dépendants des institutions sociales pour vivre. Paul n’était-il pas ce fils qui en revenant vivre en France, et dans le même village que sa mère avait dû se mettre dans la même position psychique qu’elle, pour essayer de se réparer, et de trouver sa place de fils issu du couple parental, en allant sur les traces d’un père qui n’avait eu jamais dans la psyché maternelle la place de l’amant, et du père de ses enfants.

Je ne revis plus jamais Paul, j’ai su par son assistante sociale qu’il avait été jusqu’au bout de son projet, il avait déménagé.

Nous pouvons constater en lien avec nos hypothèses que pour Paul :

Dans l’échange lié au troc, instauré par sa mère, (labourer le jardin de la psychologue en échange de séances) la fonction tierce de l’argent est évacuée au profit de l’archaïsme binaire du troc qui signifie psychiquement l’archaïsme d’une relation.

L’argent n’a pas de représentation intrapsychique liée à l’échange, il faut qu’il soit dans la réalité externe en lien avec. L’argent est cet objet qu’il perd (à travers son alcoolisation) et qu’il ne supporte pas de perdre car cela lui permet de vivre illusoirement de retrouver l’autre.

Il y a une nécessaire mise en scène de la perte parce que psychiquement non intériorisée.

Dans sa relation au père, Paul a privilégié l’homme dans le couple formé avec sa mère, et non le père géniteur porteur de la filiation. Cette absence paternelle empêchera l’organisation du rapport à la castration, d’où l’actualisation de la perte (rupture avec son amie), dans la démission de son travail qui aura pour conséquence la perte de son salaire, et sa demande d’allocation du Rmi auprès de l’institution sociale, demande qui s’articule autour de cette perte et qui laisse entrevoir le type de lien à l’institution.

Dans la psyché maternelle, la place du mari est nommée par défaut : il est décrit comme ayant tous les défauts, il est celui qu’elle ne peut évoquer le jour anniversaire de sa mort ; il ne peut être nommé dans sa psyché. Le fantasme de la scène primitive ne peut être élaboré par le sujet car le père est exclu de la psyché maternelle et à fortiori le couple mari et femme.

Le surnom de Paul : « l’absent »  donné par la mère renvoie dans le discours maternel à une présence qui est absentée ou qui s’est absentée dans sa psyché, et qui est la présentification d’une absence : celle de sa sœur morte.

Paul ne peut établir de lien avec sa mère qu’en  étant psychiquement dans la béance d’un manque impossible à psychiser.