Le rapport à la mère

J’apprends qu’à l’age de vingt cinq ans, Christine s’est arrêtée de fumer (aujourd’hui elle refume) en même temps que sa mère. Pour la première fois elle mentionnait sa mère dans une sorte de relation en miroir où elle agit comme l’autre.

Christine reparlera de l’école où elle séjourna à l’arrêt de ses études, école où elle vécut un an, en internat, et là, elle apprit à manger de différentes manières c’est-à-dire une nourriture carnivore, frugivore, herbivore…

En racontant ses différentes expériences alimentaires, Christine souriait de ce qu’elle considérait aujourd’hui comme une recherche incongrue du comment et du quoi pouvait-elle manger.

La rupture de ses études a confronté Christine à sa pathologie. Elle ne pouvait plus masquer sa lutte contre les kilos, elle se retrouvait à vingt cinq ans en face d’elle-même.

J’étais interrogée sur la myopie parentale car Christine devait être mal dans sa peau avant que n’apparaisse au grand jour sa « maladie. »

Durant les premiers mois où j’ai accompagné Christine, j’ai maintenu une position contenante, intervenant très peu, l’essentiel était que le sujet puisse dire sa parole.

Christine évoqua ses relations amicales par notre intervention. Elle avait : « des copines qui étaient devenues les copines de sa mère. »

Au niveau contre transférentiel, j’ai éprouvé dans un premier temps un sentiment d’hostilité vis-à-vis de cette mère. Comment pouvait-on s’approprier les amis de sa fille, en niant ainsi la différence générationnelle et en dépossédant ainsi le sujet de ses propres liens sociaux ?

J’étais renvoyée à certains aspects abusifs de nos propres liens maternels.

L’acte de la mère, qui consiste à se lier d’amitié avec les propres amis de sa fille, met en exergue le rapport fusionnel de cette relation. L’intrusion va jusqu’à gommer les liens exogènes. Les liens sont non différenciés, ils traversent la relation mère-fille sans que Christine s’en étonne. Quels bénéfices secondaires tirait le sujet ?

Dans l’après-coup, cette position psychique lui permettait de maintenir l’indifférenciation d’avec l’objet maternel, indifférenciation qui la maintenait dans sa pathologie.

Autrement dit, l’altération de l’exogéneité des liens n’était que la conséquence pour Christine de son incapacité psychique à être en tant que sujet. Cela n’enlevait en rien l’aspect intrusif d’une mère qui maintenait un lien avec sa fille où elle la maîtrisait, comme Christine essayait de maîtriser la nourriture. Chacune avait des enjeux psychiques inconscients, enjeux qui maintenaient le fil d’une relation archaïque.