Le rapport à l’argent

A propos de son hébergement chez ses parents, Christine dira : « je dois à mes parents des tâches par rapport à mon hébergement, je jardine deux heures par jour ou je coupe du bois. »

Elle poursuivra sur le fait que durant trois ans elle a payé les courses de la maison avec l’argent du Rmi. A notre question sur ses dépenses autres que celles qu’elle venait de citer, elle répondit par : « j’ai mis de l’argent de côté, je ne l’ai pas fait exprès. » Elle précisera qu’aujourd’hui, sa mère lui demandait une somme d’argent fixe pour le paiement de la nourriture. En  d’autres termes, Christine ne payait plus les courses pour tout le monde mais payait sa part aux frais de la maison. A mon intervention sur le reste de l‘argent qui n’avait pas été dépensé, Christine réagit par un : « cela me bouleverse. » Je tiens à souligner que c’est l’énonciation du mot dépense qui provoqua cette réaction.

Que disait Christine ?

Qu’elle payait ses parents de deux façons, en échange d’un temps déterminé de travail dans la maison familiale, et en échange d’une somme d’argent, somme d’argent qui ne fut définie que tardivement. Il n’y a pas de valeur fondée sur un échange correspondant à la réalité. Christine paye pour tout le monde, et puis ne paye plus que pour elle. Christine avait payé pendant des années les courses.  Qu’achetait-elle ou de quelle dette se sentait-elle redevable pour payer dans la réalité pour tous ?

L’argent est-il pour elle le moyen de lier les membres du groupe, est-il l’objet réel qui dans sa psyché pouvait pacifier sa lutte avec l’objet nourriture, c’est-à-dire avec l’objet archaïque ?

Cet argent que le sujet ne gagne pas, qui lui est donné ne servirait-il pas, parce que justement il ne correspond pas à un échange salarial, à maintenir psychiquement le sujet dans une illusion d’être. En d’autres termes, l’argent n’est plus objet psychique permettant un échange intersubjectif, il est le bouche trou d’une pulsionnalité à l’œuvre chez Christine.

Il ne s’agit plus ici de garder dans le cadre d’un échange où le but de la pulsion serait la satisfaction sexuelle, mais une satisfaction narcissique.

Nous reviendrons dans la partie théorique sur ce point majeur de cette analyse clinique.

L’objet argent ne peut être gardé pour soi, comme dans l’échange où prévaudrait l’analité, car il est fantasmatiquement l’objet qui ferait que le sujet vive son corps comme un lieu, comme un espace ne lui appartenant pas. Il ne s’agit pas d’intrusion mais de la révélation, au sens d’une photographie qui révèle la non appartenance du corps du sujet.