Le lien fraternel

A propos de la mésentente avec son frère, Christine dira qu’elle ne comprenait pas pourquoi : « il ne me parle pas depuis quelques années », elle rajoutera, que d’après sa mère, cela serait dû à la maladie de Christine. Une fois de plus que dire devant ce qui nous apparaissait pour le moins fou : le sujet ne savait pas la cause de ce silence entre elle et son frère, seule la mère savait ; c’était la maladie qui était le motif de ce non échange, de cet évitement.

Au niveau contre transférentiel, j’éprouvais une sorte d’agacement devant ce qu’énonçait le sujet sans aucune analyse.

Comment Christine pouvait répéter sans sourciller les paroles de sa mère, comment pouvait-elle accepter que sa propre mère signifie que la maladie de sa fille était la cause de la discorde entre ses enfants ?

Quel intérêt avait elle à véhiculer un tel discours ?

J’avais le sentiment d’être en face d’une mère intrusive qui m’intrusait car elle me rendait hostile à son égard.

A ce stade de l’entendu, je réalise que je me protégeais psychiquement de ce que je percevais comme des effets pervers d’un discours maternel, où plutôt que je me protégeais de mes enjeux contre-transférentiels qui surgissaient au contact de cette histoire.

Dans l’après coup, il apparaît que l’indicibilité du non-lien entre Christine et son frère serait du à un non-lien fraternel dans la psyché de Christine ; non lien que j’associe à l’impossible filiation de Christine.

Dit d’une autre manière, l’impossible figuration du fantasme des origines du sujet rendrait le lien fraternel mystérieux c’est-à-dire non figurable. Il y aurait une synergie dans l’axe des liens différents unissant les membres de la famille, synergie qui glacifierait la capacité de liaison du sujet. Cette glacification n’est pas synonyme de forclusion mais d’un gel psychique qui protègerait le sujet de la reconnaissance de l’autre comme différent et différencié, mais qui le maintiendrait du coup dans un isolement et dans une difficulté réelle à être dans le principe de réalité. Pour le coup, il n’y aurait pas une prime de plaisir en plus mais une histoire ancrée dans l’ère glacière, c’est-à-dire dans la préhistoire psychique du sujet.

Je voudrais revenir sur l’aspect contamination qui est à notre avis latent dans le discours de la mère du sujet.

La « maladie » de Christine, serait la cause, pour son frère, du refus de lui parler.

Christine pense-t-elle que sa « maladie » est source de contamination ou a-t-elle été contaminée au niveau fantasmatique par sa mère ?

En d’autres termes ne vit-elle pas sa pathologie comme l’effet contaminant d’une relation archaïque, effet contaminant qui ne peut se dire mais qu’elle retrace à travers l’énoncé maternel.