Sa relation adultère et le lien à l’argent

J’apprends que sa maîtresse est une prostituée, d’origine arabe, dont il a eu deux enfants, un enfant qui porte un prénom français, l’autre un prénom arabe, Jacques explique cette relation par : « là aussi, j’ai acheté l’amour. »

Devant cette dénégation de la réalité j’ ai signifié au sujet qu’une prostituée avait comme fonction de se faire payer pour avoir des rapports sexuels, ce qui sous-entendait que la relation instaurée avec cette femme n’avait pas pour finalité l’amour. En d’autres termes, l’argent était lié à un rapport sexuel et non à un rapport d’amour.

Jacques répondit qu’elle « avait tout abandonné pendant six mois, qu’elle avait travaillé sur les terres », il poursuivit sur le fait qu’aujourd’hui il se « sent bien car si on me donne de l’amour c’est pour de vrai. » Ce second entretien se termina sur les paroles du sujet.

Au niveau contre transférentiel, j’étais dans la confusion car je ne savais pas si Jacques vivait encore avec cette prostituée, si elle avait tout abandonné pour lui au-delà des six mois ou s’il parlait d’une autre femme,  comme je ne comprenais pourquoi il avait fallu qu’il me précise la différence de race dans les prénoms, comme si un enfant était de lui, donc avec un prénom français et l’autre étant de la mère, donc avec un prénom arabe.

Pourquoi un tel sentiment de confusion ?

Est- ce le comportement de Jacques qui avait été jusqu’au bout d’une quête de quelque chose, en liant jusqu’au paroxysme : l’argent, l’amour, la sexualité et la procréation, paroxysme incarné dans la personne de cette prostituée. Dans l’après-coup, le sujet avait mis en scène, d’une manière effectivement paroxystique ce que nous nommons «  sa recherche d’amour », en payant au début de la relation, la femme, avec qui il a des rapports sexuels, l’argent étant le moyen de la rencontre, moyen qui disparaîtra, par la suite, dans le lien unissant le couple. Je ne puis à ce niveau de l’analyse, que faire le lien avec ce que Jacques dit de lui quand il était petit, à savoir qu’il avait le sentiment qu’il achetait l’amour de ses parents, et surtout de sa mère, dans l’attente de ses caresses, en nettoyant la cuisine, et qu'adulte il payait dans la réalité pour avoir des caresses d’une femme. Inconsciemment, le sujet condensait à travers l’objet social argent le lien l’unissant à sa mère, lien qui ne s’apparentait pas à une recherche d’amour de sa part, mais à ce que lui, supposait fantasmatiquement, devoir à l’autre, pour être aimé.

Autrement dit, nettoyer la cuisine et donner de l’argent a la même valeur, dans ce qu’il faut donner à l’autre, pour établir un lien d’amour. Il faut préciser, que l’argent donné à cette prostituée a été perverti, dans le sens détourné de son but. En effet, Jacques a réussi à faire en sorte que cette femme abandonne tout pour lui, donc ne se fasse plus payer, pour que lui, se sente aimé. L’argent ne devait plus être entre tous les deux, ne devait plus être le lien qui les unissait.

Il se joue ici un point nodal dans l’histoire du sujet, point sur lequel nous reviendrons ultérieurement.

Au cours de l’entretien suivant, Jacques reviendra sur sa vie maritale, et dira qu’au bout de quelques années : « mon couple n’allait pas bien, l’habitude. »  Pour la seconde fois il parlait de son couple sans aucune émotion, sans questionner ce qui faisait que le couple n’allait pas. Psychiquement, Jacques mettait en place une pensée discursive, barrant ainsi la place aux affects, et se réfugiait dans une banalité langagière. Au niveau de notre contre transfert, nous ressentions Jacques comme un petit garçon, incapable de dire ce qu’il ressentait, incapable d’une parole qui aurait marqué sa subjectivité.

Jacques parla ensuite de sa relation avec cette prostituée, il précisera : « je suis resté avec elle, car elle m’a donné de l’amour et je pensais qu’en restant avec elle, j’allais la sortir de la prostitution. » Jacques répétait le même discours, l’autre était reconnu dans sa fonction de donateur, et lui dans une fausse fonction de donataire, étant donné qu’il avait payé pour que le don puisse se mettre en place dans le temps.

En d’autres termes, l’échange où prévaut l’intégration de l’altérité faisait défaut au sujet. Il était pris dans la recherche d’un miroir où refléter son propre regard, tout en cherchant l’autre. Jacques se maintenait dans une relation spéculaire, où l’autre était absent ; le stade du miroir n’avait pu être élaboré.

Il me dit qu’il a eu de cette femme une fille, enfant qu’il reconnaîtra, d’où le prénom français qu’elle portera. Le couple se sépare et sa compagne reprendra son ancien métier ; Jacques ne supportant pas : « que la mère de ma fille se prostitue », décidera de reprendre la vie commune, vie commune qui ne durera pas longtemps, et le couple se séparera à nouveau. Apprenant que sa compagne est enceinte, alors « qu’elle avait repris le trottoir », Jacques décide de ne pas reconnaître l’enfant, car il ne sait pas s’il est vraiment de lui, d’où le fait que cet enfant porte un prénom arabe.

Aujourd’hui, il a retrouvé une compagne auprès de laquelle il se « sent bien. »

Tout en écoutant Jacques j’avais le sentiment interne que toutes ces femmes s'équivalaient, qu’elles étaient des objets partiels, bouche trou d’un narcissisme défaillant.

Au cours du quatrième entretien, je précise à Jacques qu’il s’agit de dernier entretien, étant donné les contraintes administratives auxquelles j’étais contrainte et qui ne dépendaient pas de ma volonté.