D– Martine

L’histoire de Martine est issue de ma recherche durant l’année de Dea.

Elle a été vue sur une période de quinze mois, à raison d’un entretien tous les quinze jours. Cette fréquence temporelle n’a pas toujours été maintenue avec rigueur à cause de l’absentéisme du sujet.

Pourquoi le choix de l’histoire de Martine ?

Parce que cette histoire ne se situe pas parmi les représentations sociales communément admises du sujet, qui pourrait être en situation de précarité. J’entends par-là : transmissiongénérationnelle du cas social, niveau intellectuel faible, expérience professionnelle peu signifiante. Il me semble important de ne pas stigmatiser le sujet à partir de données socioculturelles, stigmatisation qui impliquerait une évidence de la situation du sujet.

Néanmoins, sur le plan contre transférentiel, il y a eu attaque de ma pensée ; c’est-à-dire que je me suis trouvée à un moment donné déstabilisé, dans le cadre de la relation clinique, et c’est à ce titre que j’ai aussi choisi l’histoire de Martine.

Martine est une femme de quarante-huit ans. Elle est l’enfant unique d’un mariage de courte durée. Sa mère a épousé son père à l’âge de dix neuf ans, issu comme elle de la même région. Les familles se connaissaient de longue date.

A l’âge de vingt-deux ans, sa mère demande le divorce car son mari la trompe. Elle est enceinte de Martine au moment de la séparation. Le père va vivre avec sa maîtresse dont il aura deux enfants. A la suite de cette séparation, la mère travaillera comme employée dans différentes entreprises, le père poursuivant son activité d’agriculteur.

Martine vivra dans cette « culture paysanne » jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Elle partira à l’université la plus proche où elle obtiendra un doctorat en Sociologie. Là, elle rencontre son futur compagnon, qui comme elle, aura un doctorat en Sociologie. Le couple, leurs études finies, va vivre dans différents pays du sud où ils auront des missions d’études à durée déterminée. A la fin de chaque mission, le couple vit chez les parents du compagnon de Martine. Ils n’auront jamais de lieu à eux, si ce n’est les différentes maisons de fonction qu’ils occuperont. Une dizaine d’années plus tard, ils rentrent en France, n’ayant plus de contrat et vivent toujours chez les parents du compagnon de Martine. Durant cette période, qui durera deux à trois ans, son compagnon rencontre une autre femme, plus jeune que Martine, quitte Martine et part vivre dans une autre ville, ayant réussi le concours pour rentrer dans l’enseignement.

Martine se retrouve, seule à quarante-huit ans, ayant raté ce concours. Elle va faire, durant quelque temps, des remplacements en tant que professeur. Très vite, elle n’a plus de travail, va vivre sur ses économies, « n’ayant pas le courage » de demander le Rmi. Sans ressource, elle se décidera à faire une demande d’aide : le Rmi, et sera orientée avec son accord dans le cadre du contrat d’insertion, vers mon institution.