L’histoire familiale

En interrogeant Sylvie sur sa fratrie, j’apprends qu’après le frère aîné il y a eu une sœur morte à l’âge de sept mois,  mort dont Sylvie ne connaît pas la cause.

Sylvie poursuivit en disant que sa propre naissance fut d’après sa mère : « un accident » et que sa mère « s’est fait ligaturer les trompes après sa naissance. » En écoutant Sylvie, nous associons l’âge de la mort de cette sœur à l’âge de naissance des enfants de Sylvie, âge qui était identique. Dans la réalité, le souvenir de la défunte a généré dans la famille de Sylvie une angoisse de mort, angoisse de mort transférée sur les jumeaux dont la vie était incertaine.

Un double mouvement psychique s’est mis en place dans cette répétition générationnelle :

Ce double mouvement, comprend quelque chose de mortifère qui se joue dans la psyché de Sylvie, à travers l’identification de son être mère à la maternité de sa propre mère, pour qui la naissance des filles est symbole de mort ou d’accident.

Cette double mort : mort d’un enfant, mort d’une fonction biologique, marque le prix à payer pour Sylvie, pour vivre le prix d’une mort possible, à ceux à qui elle donne vie. L'événementiel qui a traversé cette famille s’est inscrit comme une trace non représentable pour Sylvie, trace qui a perturbé la représentation d’elle-même. Cette carence au niveau de la représentation s’exprimera par le regard qu’elle porte sur elle : « je ne suis pas sûre de moi, je suis envahie par la pensée des autres. » Ces dires attribués à elle-même expriment un questionnement identitaire qui renvoie à une économie narcissique fragile.

Sylvie aura durant tout son suivi, une réelle difficulté à s’approprier sa parole. A travers un sourire ou un encouragement, nous avons fait, comme le souligne, Joyce Mac Dougall : « faire l’équivalent du holding » c’est-à-dire :

‘«Tenir dans le temps les éléments psychiques que le patient veut bien déposer, chez le psychanalyste, faute de pouvoir encore les vivre dans la réalité analytique. »83

Au niveau contre transférentiel j’ai éprouvé un sentiment maternel, sentiment qui a été constant durant tous les entretiens cliniques.

Notes
83.

Mac Dougall J., Narcisses, p. 481