A2- L’irreprésentabilité du désir d’enfant dans la psyché maternelle.

Ce point nodal découle du précédent, car comme nous venons de le voir, les mères des sujets sont porteuses d’un pacte narcissique où la naissance des sujets étudiés n’a pas de place au nouveau qui vient de naître. En d’autres termes, ils ont intériorisé une imago maternelle dont la mission inconsciente est de réparer les conséquences psychiques d’une mort qui a eu lieu ou les conséquences psychiques d’une mère endeuillée, comme c’est le cas pour Christine.

Cette mission réparatrice articulée à la procréation, laisse supposer un investissement particulier de l’infans et de la procréation.  En poursuivant la réflexion, il nous paraît important d'associer sur ce que Piera Aulagnier dit de l'acte procréateur. Pour cet auteur :

‘"Le rejet comme la particularité de l'investissement répondent à une même cause : l'absence d'un souhait d'enfant" de la part de la mère, absence qui :"aurait été transmis par sa propre mère et qu'on pourrait transmettre à son propre enfant. »97

La première conséquence manifeste est :

‘ « L’impossibilité pour la mère d'investir positivement l'acte procréateur, le moment de la naissance, et tout ce qui viendrait prouver qu'en donnant la vie on engendre un « nouveau » et du « nouveau, » qui n'est pas le retour d'un « enfant » qui avait déjà été, ni d'un moment temporel qui ne ferait que se répéter. »98

Dans notre clinique nous rencontrons une particularité de l'acte procréateur des mères de ces sujets, acte qui répondent à une réparation soit : de la naissance de sa propre mère, soit d'un enfant qui à déjà été, soit d’un collatéral. La notion de transmission « de non souhait d’enfant » transmise par la propre mère des mères des sujets n’intervient pas. Il s’agit de redevabilité et de réparation, non pas d’un sujet mort, mais de l’acte même de procréation, redevabilité et réparation vis-à-vis du groupe d’origine ou du groupe créé.

L’enfant n’est pas le substitut de quelque chose qui a été, mais objet de don au groupe, pour que ce don puisse remplir sa fonction réparatrice d’un vécu qui a déjà eu lieu. Il sera psychiquement celui qui sera donc un dû pour la mère. La réalité historique dont parle Aulagnier prend ici toute son ampleur.

En effet, cet auteur souligne le rôle fondamental de cette réalité d’où l’importance des :

‘ « Événements qui peuvent toucher le corps, à ceux qui se sont effectivement déroulés  dans la vie du couple pendant l’enfance du sujet, au discours tenu à l’enfant et aux injonctions qui lui ont été faites, mais aussi à la position d’exclu, d’exploité, de victime que la société a pu effectivement imposer au couple ou à l’enfant. »99

Si nous nous référons aux histoires des sujets, nous constatons un discours maternel sur l’enfant en terme de rejet, comme dans l’histoire de Martine, soit d’une parole qui l’absente comme c’est le cas pour Paul, soit d’une faute dont il est porteur comme c’est le cas pour Christine, qui est la cause du mal-être de son frère, soit d’un silence à travers l’histoire de Jacques, soit d’un accident à ne plus reproduire dans l’histoire de Sylvie.

Au regard de la particularité de l'acte procréateur, le sujet ne peut unir la figure maternelle et paternelle, car c'est le lien lui-même qui est énigme. C'est le lien unissant la mère à l'autre du couple qui n'est pas résolu.

En effet, la mère est ailleurs, un ailleurs rempli par son pacte narcissique à elle.  La place est pour ainsi dire déjà prise. Ce n'est pas le vide, c'est le déjà là qui laisse une place à prendre : celle de l'engendrement. Celle-ci sera récupérée par le père qui ne pourra qu'auto engendrer.

Notes
97.

Aulagnier P, La violence de l’interprétation, p. 233

98.

Aulagnier P, ibidem, p. 233

99.

Aulagnier P., ibidem, p. 191