A4- Le nom du père

Ce dernier point nodal s’articule à ce qui vient d’être dit précédemment.

Avant de le développer nous voudrions préciser la notion du nom du père qui est prise au pied de la lettre, c’est-à-dire qu’il s’agit du nom patronymique du père qui est convoqué. Que cette convocation, nous convoque à son tour, au nom du père sur le plan symbolique, c’est ce que la clinique des sujets va nous montrer.

Avant d’en faire l’analyse dans notre corpus clinique, nous aimerions faire un détour sur la signification psychique du nom du père, et de la fonction paternelle attenante à cette nomination.

Le nom du père est :

‘ « Une désignation s’adressant à la reconnaissance d’une fonction symbolique circonscrite au lieu d’où s’exerce la loi. »102

Cette définition de J. Dor, dans son introduction à la lecture de J. Lacan est une définition parmi d’autres, car comme le retrace C. Lechartier-Atlan, dans son article sur la fonction paternelle : 

‘« Le père, c’est « cet autre sans seins » (Piera Aulagnier), « la colonne vertébrale narcissique du sujet » (R. Diatkine), l’autre de l’objet (Green), celui en qui et par qui, à chaque étape, survient la différence (Rosolato), une nécessité structurale (JL Donnet) qui souligne également son affinité particulière avec l’absence et sa représentation, l’absentable par excellence, l’absenteur aussi qui vient donner sens à l’absence de la mère.»103

Cet auteur souligne la définition que J. Lacan en donne, en précisant que le nom du père est un signifiant, dont la :

‘ « Portée symbolique transcende le père réel, historique et recouvre le père imaginaire et le père mort. »104

Nous voyons la multiplicité de définitions de la fonction paternelle dont la finalité est de s’interposer entre la mère et l’enfant pour être le tiers qui permettra à l’enfant de sortir de la dyade mère enfant, et de s’inscrire ainsi en tant que sujet différent et différencié.

La notion de père est donc un opérateur symbolique. C’est un référent : le père n’est pas incarné mais il est une fonction qui ordonne. C’est pourquoi s’instaure une distinction entre la paternité qui renvoie au géniteur, et entre la filiation qui renvoie au symbolique.

A partir de ce qui vient d’être énoncé, nous pouvons relever que dans notre clinique c’est le père en tant que géniteur qui est convoqué par défaut de la fonction symbolique.

En effet, pour Martine, le nom de son père qu’elle veut garder, est pour elle, malgré les harcèlements de sa mère, un enjeu important. Sur le plan psychique, le : « je n’ai jamais changé de nom », a pour fonction de faire barrage à l’énoncé  maternel qui veut délégitimer l’acte de paternité, en ne pouvant que s’opposer à sa mère, et d’essayer de donner sa place au père symbolique. En d’autres termes, l’accrochage psychique de Martine au nom patronymique ne fait que certifier que le nom du géniteur ne soit pas celui qui prend sens dans la filiation.

Sylvie, comme nous l’avons dit, à travers la nomination de : « petit Louis », accepte de porter ce surnom paternel, surnom qui barre l’accès à la fonction paternelle, puisqu’il la positionne fantasmatiquement comme étant le produit d’un auto engendrement paternel.

En ce qui concerne Christine, le nom du père est ce nom illégitime, résultat de la naissance d’un bâtard dans la psyché paternelle, d’une non transmission dans l’ordre de la filiation, l’inconnu de la paternité faisant barrage à la filiation.

Paul est ce fils qui va concrètement sur les lieux d’enfance de son père, pour se le représenter, pour chercher ce père qu’il n’a jamais rencontré dans la psyché maternelle.

Jacques par son comportement de fils modèle qui reprend l’affaire paternelle, va au bout du compte se mettre dans une position financière de ruine, qui donne ainsi à voir l’apparente filiation avec son père, apparence qui ne pourra tenir, car non porteuse de la différence issue d’un lien identificatoire intégrant la castration.

Avant de poursuivre plus avant dans notre étude, un détour sur les points nodaux nous paraît opportun, pour comprendre le sens qu’ils prendront dans notre recherche. Pour en rendre compte, nous nous sommes appuyés sur l’apport théorique de R. Kaës sur les groupes internes.

Notes
102.

Dor J., Introduction à la lecture de J.Lacan, p.119

103.

Dor J., p. 38

104.

Dor J, ibidem, p.38