E2- Le lien

La clinique que nous avons étudiée a montré que l’objet argent est pour les sujets le lien dans la scène primitive. En d’autres termes, la pulsion a pris pour objet l’argent qui est le lien pulsionnel unissant les deux autres du couple. 

En s’affranchissant ainsi du processus élaborateur du fantasme des origines, nous assistons à un détournement de l’économie pulsionnelle vers une économie narcissique, détournement qui trouve son fondement dans la quête originelle, c’est-à-dire de la place du sujet dans la triade.

Ce processus s’apparente à la mélancolie où la réaction à la perte de l’objet implique un retrait de la libido objectale dans le moi, avec identification à l’objet mort qui n’est plus objet d’investissement pour la pulsion inconsciente.

La pulsion pourrait-on dire perd de sa force dans cette pathologie où l’objet et la perte de celui-ci prend le pas sur l’investissement libidinal.

Dans notre recherche l’investissement narcissique porte sur un objet de la réalité externe qui est aussi objet de la réalité interne de par son équivalence symbolique avec les fèces ; il ne porte pas sur le moi mais sur un objet qui est une production corporelle.

En effet la fonction des fèces est de fournir le lien entre : le visible et l’invisible, le dedans et le dehors, le contenant et le contenu, le tout et sa partie, le divisible et l’indivisible, le détachable et l’unifié.

Ces différentes fonctions sont prises au sens Bionien, c’est-à-dire le lien signifiant la relation du sujet avec une fonction plutôt qu’avec l’objet qui favorise la fonction.

Autrement dit ce n’est pas à partir de la non intégration de la perte de l’objet que s’est produit le déplacement libidinal mais à partir de la non adéquation fonction- objet, c’est-à-dire du lien dans le rapport du sujet avec les différentes fonctions liées à l’analité que nous avons citées.

Cette non adéquation fonction-objet prend racine dans la pathologie du dû, et a constitué ce que nous avons appelé le blanc du fantasme de la scène primitive qui donne à voir le lien qui s’est absenté.

Dans l’analyse thématique des sujets, nous avons mis en exergue, l’irreprésentabilité du désir d’enfant dans la psyché maternelle, irreprésentabilité qui découle du pacte narcissique de celle-ci avec son groupe d’appartenance.

Cet autre dans l’objet est ici l’intériorisation d’une mission envers le groupe primaire, mission dont la finalité est la réparation d’une mort. Le lien qui unit le groupe pour la mère, et qui la relie au groupe est la redevabilité vis à vis du groupe d’origine, et en particulier vis à vis de sa mère, dans l’acte de procréation.

Nous considérons que cette redevabilité est don, non pas dans le sens Maussien du terme mais don au sens sacrificiel

Un détour sur la question sacrificielle s’impose pour mieux nous saisir de la redevabilité du sujet vis-à-vis de son groupe primaire.

Nous allons nous appuyer sur les travaux de R. Girard pour éclairer la notion sacrificielle afin de donner sens à ce que nous entendons par don sacrificiel.