E4- La présence de l’autre dans l’objet

La présence de l’autre dans l’objet est dans notre clinique constitutive, d’un pacte narcissique par rapport au groupe ; il s’agit d’un autre qui pose d’entrée de jeu la question du lien, et de ce qui relie, ainsi que la question de la place parmi les autres et du lien au corps car celui-ci est utilisé dans la réponse au groupe des origines à travers l’acte de procréation.

A propos de la question de l’autre dans l’objet, R. Kaës considère que :

‘« La question de  l’autre dans l’objet ne se comprend pas seulement du côté du sujet…. elle se comprend aussi à partir de la stratégie conjointe de l’autre dans son double statut de sujet et d’objet pour un autre. Ce sont ces corrélations d’altérité et de subjectivité qui occupent notre attention… C’est pourquoi il importe de distinguer l’autre et l’objet. C’est que l’autre, présent dans l’objet, est irréductible à son intériorisation comme objet. »172

L’exigence de travail psychique dans le lien implique selon cet auteur « l’autre dans l’objet et l’autre de l’objet"

Cette analyse du lien sous-tend des effets psychiques de l’autre dans l’objet ainsi que ceux de l’autre de l’objet. Cette conception du lien va dans la lignée de la pensée freudienne où le sujet est le maillon d’une chaîne. Il est héritier avant de naître d’investissements psychiques multiples, ainsi que de la rencontre dans l’intersubjectivité de ce que l’objet est porteur de l’autre.

Le lien n’est donc pas cette rencontre avec l’autre où l’intersubjectivité de l’objet stricto sensu suffirait à rendre compte du type de relation d’objet ou du type de transaction. Il y a une complexification dans la lecture du lien intersubjectif qui nous amène à la prudence dans l’énonciation même du type de lien dont il s’agit. 

La psychopathologie des liens nécessite selon R. Kaës d’étudier le rapport des organisations intrapsychiques et des formations du lien intersubjectif. C’est ce rapport que nous allons analyser en reprenant le fil de notre clinique.

Nous avons démontré que les groupes internes : scène primitive, imago, complexe du sevrage et complexe de l’intrusion ont laissé apparaître les ratés de la fonction transformationnelle, la non appropriation par le sujet de ses groupes internes, qui, de par leurs constitutions font appel à plus d’un autre et sont porteurs de ce qui fait lien dans l’intériorisation même de ses groupes internes. 

L’autre de la mère, c’est-à-dire dans notre clinique le pacte narcissique de la mère a démontré la préoccupation maternelle par une mort à remplacer, préoccupation qui va induire un effet d’abandon du lien pour le sujet dans son rapport à l’objet primaire. 

La convergence de ces constituants de l’intrapsychique a montré le type de lien que le sujet a constitué avec l’argent et avec l’institution. Du coup, l’analyse du lien intersubjectif s’est portée sur la scène sociale, c’est-à-dire que le lien s’est déplacé sur un autre champ que le champ psychique.

En d’autres termes, c’est à travers le champ social que nous avons pu analyser le rapport de l’intrapsychique du sujet, et la formation du lien intersubjectif.

Une question se pose : comment le sujet à partir de ses non élaborations, de ses manques, déplace t-il ce qui est de l’ordre de l’intrapsychique vers des objets sociaux ?

Nous devons mettre à l’épreuve ce mouvement, c’est-à-dire ce qui va se nouer et se jouer
dans ce qui est la réalité externe.

Notes
172.

Kaës R, Souffrance et psychopathologie des liens institutionnels, p. 9 ; p. 10)