V- Parties : Pistes de réflexion sur les dispositifs cliniciens.

A- La place de l'institution

Par place de l’institution, nous n’entendons pas l’analyse institutionnelle qui nécessite un dispositif précis mais la place de l’institution dans le dispositif Rmi, c’est-à-dire la place des référents sociaux, en lien avec les partenaires de l’insertion.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, et dans la continuité avec la question du lien chez les sujets au Rmi, l’institution est dépositaire de l’objet lien.

Ce dépôt prend pour forme la demande de l’allocation Rmi dans l’échange argent insertion. Du coup, l’échange est subverti, car demande de dû et demande d’insertion se côtoient c'est à dire que nous sommes en présence d'une demande qui fait appel à l'historicité du sujet singulier : la demande de dû, face à une demande qui renvoie au corps social, ainsi qu'à un temps du présent et du futur.

C’est pourquoi, nous considérons que l’analyse du lien inter partenarial est fondatrice dans la chaîne du dispositif d’insertion car le transfert porte sur le lien inter partenarial.

Par transfert inter partenarial, nous entendons l’analyse du dépôt de l’objet lien dans l’institution, et l’analyse de la position du clinicien qui est pris dans ce dépôt, dépôt  qui en fait partie. 

Dans la pratique le transfert porte sur le lien que le sujet a instauré avec son référent social, et sur le lien que ce même sujet a instauré avec le clinicien, en ayant à l’esprit qu’il ne s’agit pas du transfert « classique » qui fait référence à la névrose, où le transfert réactualise par déplacement et métaphorisation les personnages de la vie psychique du sujet.  Il s’agit ici d’un transfert où il n’y a pas réactualisation mais utilisation d’un objet social, l’argent qui fait lien dans le psychisme du sujet dans la scène primitive. 

Ce lien qui fait référence à la relation la plus primitive du sujet, se dépose dans l’institution qui ne représente pas mais qui est la mère, et de fait le lien à cette mère archaïque. Nous avons mis en évidence un groupe interne dérivé qui nous donne à voir une configuration groupale actualisée dans le social, qui à ce titre fonctionne comme organisateur de liens.

C’est à l’intérieur de ce groupe, dont font partie les professionnels, qu’a à se porter l’analyse du transfert.

Nous avons mis à l’épreuve la fonction transformationnelle des groupes internes et la non opérativité de leurs capacités transformationnelles, non opérativité que le sujet transfère au sens de l’utilisation et du dépôt dans le groupe dérivé.

C’est pourquoi, par analyse inter partenariale, nous entendons l’analyse du transfert dans le groupe dérivé où il s’agit d’en analyser les enjeux psychiques inconscients que nous avons analysé dans le chapitre sur les conditions de l’échange et plus précisément la scène primitive, c’est-à-dire la dépendance du sujet, et le risque d’immobilisme psychique de la part des professionnels par effet d’obscénalité.

Le groupe interne dérivé étant le lien imaginaire entre les différents objets familiaux archaïques, il nous paraît fondamental de ne pas occulter cette analyse inter partenariale.

Malheureusement, force est de constater dans la pratique, que l’objet de recherche des politiques sociales est : la constitution de réseaux afin « d’optimiser », « d’accompagner le changement » pour rendre le sujet au Rmi « acteur » de lui-même et « citoyen. »

Cette forme sémantique sous tend un temps de l’action qui suppose en filigrane un temps comptable où l’urgence infiltre d’une manière latente le psychisme des praticiens.

Comme le souligne O. Douville, dans son article : « Le temps d’éprouver la densité du temps » paru dans Rhizome (avril 2004) :

‘ « Le temps des affects est important à entendre et à accueillir. Les phases temporelles permettent au sujet, d’imaginer et de ressentir mieux les espaces contenants qu’on leur propose. La conclusion pourrait être la suivante : avant toute imposition de préconisation, il convient d’accueillir la temporalité psychique qui se déplie dans un passage par des affects et des logiques de transfert. Cet accueil de l’affect permet au sujet de repérer des espaces et des seuils. Nul ne peut perdre de vue que c’est bien avec de l’espace que le sujet s’approprie le temps et que notre premier travail n’est pas d’assigner l’exclu à la flèche du temps mais de l’aider à s’arraisonner à des spatialités, des lieux, des contenants, et des seuils. Après, et seulement après, peut venir le temps du projet qui suppose un passage de la fixation à la répétition, de l’excitation et de l’apathie à la rythmicité. » ’

Les dispositifs praticiens nécessitent : le dispositif de l’entretien individuel, le dispositif de groupe à médiation ainsi que l’analyse du lien inter partenarial.

Comme nous l’avons démontré, plusieurs niveaux d’analyse sont nécessaires, ce qui complexifie le travail auprès de cette population. Mais c’est à ce prix que nous pouvons espérer qu’un véritable échange avec l’autre sera possible, c’est à ce prix que l’argent pourra trouver sa place de tiers dans la relation.

S'occuper de sujets qui sont dans la pauvreté, c’est nécessairement accepter de « sortir » de sa place de clinicien, accepter d’être bousculé dans son cadre interne ; bref c’est prendre en compte l’individu là où il est, dans toutes ses dimensions: individuelle, groupale et sociale.

Nous voudrions, avant d’aborder les dispositifs à médiation, nous arrêter sur l’analyse d’un dispositif d’insertion.