B- Analyse d’un dispositif d’insertion 

Dans son article : « Les psychologues à l’épreuve de suspicions institutionnelles. Un groupe de parole avec des « Erèmistes », A.Sirota nous fait part de son expérience de groupe auprès de ces sujets.

Le dispositif du groupe de parole s’inscrit dans le dispositif d’insertion qui comprend, un espace accueil évaluation orientation, qui comme son nom l’indique a pour fonction d’évaluer et d’orienter. A la suite de cet entretien les sujets au Rmi choisissent les ateliers qui leur sont conseillés et dont ils ont besoin. Le groupe de parole s’inscrit comme un atelier possible pour ceux qui le désirent.

Le dispositif comprend :

« Deux réunions par mois, en moyenne, de deux heures trente - le groupe peut accueillir jusqu’à douze personnes - il est ouvert. Quelqu’un peut le quitter quand il le veut, celui-là est invité à venir en informer le groupe. De ce fait, le groupe peut intégrer toute l’année, de nouveaux participants - Le groupe est conduit par un psychosociologue psychanalyste - Chacun y parle de ce qu’il veut à son initiative - quelques règles de discussion en groupe sont exposées. »177

Les règles de fonctionnement du groupe sont les suivantes :

‘« La participation. Chacun est invité à parler de ce qui lui importe au niveau où il le veut ou le peut, à son initiative. De son côté, le psychologue prend l’initiative de solliciter les participants. ’ ‘L’écoute. Chacun s’engage à écouter et à chercher à comprendrece que l’autre communique de son histoire sans la juger… ’ ‘Est sollicitée la capacité de chacun à se reconnaître tel qu’il se donne à voir en groupe et à se remettre en cause. La curiosité pour les faits psychiques et psychosociaux est utile.’ ‘L’effort pour le dire et la courtoisie Chacun s’engage à dire à celui qui (s’)expose et aux autres, ses questions, ses pensées, avec un effort conjoint de courtoisie, parfois contradictoire avec celui du dire…… ’ ‘La discrétion. Chacun ne peut restituer à l’extérieur du groupe, s’il le souhaite, que ce qu’il a dit lui-même et qui le concerne en propre, ou seulement ce qui est convenu avec le groupe, de rapporter et de réinvestir ailleurs. ’ ‘La patience. ’ ‘Enfin, « le courage de sa propre bêtise » (M. Balint) est nécessaire, comme le courage de reconnaître sa propre « folie » ; chacun étant prêt, le cas échéant, à admettre qu’il s’est trompé sans se sentir diminué.’ ‘Le rôle du psychologue est de garantir ce cadre et cet espace de confiance, et de communiquer de temps en temps ses propres pensées. » 178

Nous avons tenu à restituer le cadre du dispositif, ainsi que les règles de fonctionnement car le texte de A. Sirota est un des textes les plus explicite sur le comment peut-on mettre en travail un groupe avec des bénéficiaires du Rmi. Par ailleurs, cet auteur stipule que, dans le groupe de parole, le sujet au Rmi :

‘« Cesse, un moment, au moins d’être chosifié par d’autres ….d’être une unité abstraite dans des statistiques. Si un tel processus de réinvestissement de soi est stimulé, c’est que le groupe de parole constitue un espace social intermédiaire, un espace potentiel et de confiance »179

Retrouver l’estime de soi, se libérer de la honte inhérente à cette position sociale, accepter
la réalité de ce qui est pour certains telle ou telle forme de handicap, tout ce travail psychique constitue pour A. Sirota des avancées certaines dans le parcours des sujets. Il spécifie par ailleurs, le contexte socio-économique et son influence indéniable dans la prise en charge
des sujets au Rmi, car la participation de chacun à une place sociale basée sur le travail est de nos jours plus que compromis.

En revenant à notre clinique et à l’analyse des quatre groupes internes nous avons mis en évidence :

  • une psychopathologie de la fonction transformationnelle de ces groupes internes ainsi que les conséquences pour les sujets qui sont le lien de dépendance institutionnelle à travers l’objet argent.
  • la fonction psychique de l’argent qui est le lien qui unit dans le triptyque : sujet argent- institution, lien imaginaire entre les différents objets familiaux archaïques dans la représentation d’un groupe interne non humain.
  • l’image du corps qui est le cinquième groupe interne, groupe interne princeps de la non opérativité des autres et de la position psychique de l’argent.

Ces trois constats obligent à penser l’enjeu de la médiation dans les groupes à partir du contenu même de l’échange, c’est-à-dire dans le lien instauré avec le social. En effet, le lien impossible à penser pour le sujet, est condensé dans un objet qui sert à l’échange : l’argent, et dont la fonction sociale est de faire lien entre les sujets de l’échange.

Nous posons comme hypothèse que nous sommes dans une forme de transfert, qui s’apparenterait à un collage, au sens de la juxtaposition de l’objet psychique et de l’objet social. Cet effet condensatoire, où il y a utilisation de l’objet social, pour parer au manque à être du sujet, à l’intérieur des groupes internes précités assigne à ce même sujet une position psychique d’exclu.

Nous assistons à une externalisation des groupes internes dans le groupe social, externalisation déposée dans ce qui participe de la cohésion sociale, à savoir : l’institution, l’argent. En d’autres termes, ce qui circule dans la sphère culturelle pour les individus est objet d’une utilisation de l’objet, non pas au sens Winnicottien, mais dans le but de trouver cette certitude du lien originaire.

Cette position psychique qui donne à l’échange une autre configuration, et qui utilise les échanges sociaux institués masque les souffrances des sujets, le mode de transfert, et met à mal la pensée du clinicien qui peut se laisser prendre au niveau contre transférentiel par le réel du manque du sujet dans sa quotidienneté.

De fait, la nomination par le groupe social d’exclusion pour le sujet, ne fait que certifier une position psychique que le sujet vit au niveau intrapsychique, et au niveau du lien intersubjectif.

Même, si les sujets vont dire leurs sentiments de honte, et vont faire part de leurs non place dans le groupe social, ce ne sont, selon notre analyse, que des défenses faute de ne pouvoir dire l’éprouvé de leurs manques originaires.

Notes
177.

Sirota A., Pratiques psychologiques, p. 57

178.

Sirota A, ibidem, p. 47, p. 48

179.

Sirota A., ibidem, p. 47